L’ombre de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, exilé depuis le début du « Printemps arabe » en 2011, plane encore sur la Tunisie…
Le 20 mars, la Tunisie a célébré ses soixante-trois ans d’indépendance. Aux deux longs règnes de Bourguiba (1956-1987) et Ben Ali (1987-2011) a succédé une démocratie qui va cahin-caha, mais a su intégrer ses islamistes. Afin d’éviter la guerre civile, le gouvernement de Youssef Chahed réunit les ennemis jurés que sont les postbourguibistes de Nidaa Tunes et les Frères musulmans d’Ennahda. Lors du dernier remaniement ministériel, début novembre, l’attention des médias du monde entier s’est focalisée sur la nomination de René Trabelsi au ministère du Tourisme. Et pour cause : un juif tunisien au gouvernement, ça n’était pas arrivé depuis les lendemains de l’indépendance ! Le symbole devait rassurer l’opinion internationale et promouvoir l’image d’une Tunisie ouverte, tolérante et multireligieuse… bien qu’à 99 % musulmane sunnite.
Ben Ali, la nouvelle Tunisie
La presse tunisienne, cependant, a retenu un fait politique autrement plus décisif : le retour aux affaires du vieux briscard de l’ancien régime Kamel Morjane. Nommé ministre de la Fonction publique, ce septuagénaire lorgne la succession du président de la République Béji Caïd Essebsi, 93 ans, qui s’ouvrira en novembre prochain. Homme fort des dernières années Ben Ali, au point que la rumeur lui prêtait un destin de dauphin, ministre de la Défense puis des Affaires étrangères, Morjane a connu sa traversée du désert post-Printemps arabe.
Plombé par son image benaliste, il crée son propre parti, mais ne recueille que 1,27 % des voix à la présidentielle de 2014. Depuis, ce politique roué emploie toutes ses qualités de diplomate à dialoguer avec l’ensemble des forces politiques du pays, islamistes compris. Et lorsque la presse le croise en train de deviser avec le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi, les spéculations sur une possible alliance vont bon train.
Il faut croire que les benalistes apprécient les unions contre nature : cet hiver, depuis son exil saoudien, Zine el-Abidine Ben Ali a marié sa fille aînée Nesrine au rappeur K2Rhym, barde révolutionnaire qui s’est longtemps déchaîné… contre le clan Ben Ali. Beau-papa n’est pas rancunier.