Cher Alexandre,
Je t’écris de Paxos où je suis en villégiature. Toi qui es en France, je te transmets le salut de tes ancêtres. Ce matin, j’ai pris connaissance des nouvelles en me connectant au site du Monde. Je t’avoue que je suis un peu inquiet de la tournure que prennent les événements.
À lire la presse française, on se croirait dans un pays du Tiers monde qui fait honte à l’Europe. Pourtant, je t’assure qu’ici tout le monde aime bien l’Europe. Et les gens ne lui font pas honte : ils bossent, ils ont construit des beaux hôtels avec tout le confort, Internet et la TV par satellite, et tout et tout… Ils parlent même anglais, c’est te dire s’ils sont intégrés.
Et puis ici, on était Européen avant d’être Grec ; même Français tu te rends compte : Paxos est dans l’archipel qui fut le département français de Corcyre de 1797 à 1815. Puis sous influence russe, italienne et anglaise avant de rejoindre la Grèce en 1867. Bon, ils ont eu aussi un intermède allemand entre 1942 et 1945, mais ça ils ne s’en souviennent pas car toute la population avait fui… Va savoir pourquoi ?
J’ai cru comprendre que les Allemands voulaient exclure la Grèce pour cinq ans de la zone euro… Pourquoi pas, après tout ? Ici les hôteliers sont contre l’euro. Ils me disent, « si on sort, dans cinq ans on a tout remboursé, si on reste, on est morts… » Ils exagèrent un peu, sans doute. Mais ce qu’ils ne comprennent pas c’est l’attitude de l’Allemagne. Ils ont l’impression qu’elle veut faire un exemple en précipitant la Grèce dehors sans préparation pour montrer que sans l’euro on est mort. Ils se méfient un peu des exemples allemands en Grèce, tu sais pourquoi, toi ?
Pourtant, c’est sans doute une bonne idée de sortir de l’euro , ce qui est dommage c’est que l’idée vienne de Schaüble, pas de Tsipras… Toi qui as mieux suivi que moi l’actualité, peux-tu m’éclairer sur quelques questions qui restent obscures pour moi :
– Comment Tsipras a-t-il réussi ce tour de force de faire voter son plan au Parlement par toute l’opposition qui avait appelé à voter contre lui deux jours avant ? Et pourquoi ses amis qui l’avaient soutenu lors du référendum n’ont-ils pas tous voulu son plan. C’est quoi sa majorité aujourd’hui : Syriza ou la droite conservatrice ?
– Pourquoi les Allemands sont-ils aussi enférocés contre lui, alors que le plan qu’il a présenté est quasi identique à celui que les Allemands voulaient lui imposer avant le référendum ?
– Pourquoi les Etats-Unis soutiennent la Grèce ?
– Pourquoi le FMI veut annuler une partie de la dette grecque cette semaine alors qu’ils considéreraient cela comme une hérésie la semaine dernière ?
– Pourquoi ceux qui étaient à fond contre l’euro avant la crise veulent-ils à tout prix que la Grèce y reste ?
– Est-ce que tu crois que si Tsipras avait une moins belle gueule, les gens de gauche le soutiendraient quand même en France ?
– Pourquoi Arnaud Leparmentier et Jean Quatremer pensent-ils qu’en privatisant tout, en baissant les salaires et en augmentant la TVA sans pouvoir d’évaluer la monnaie, le pays va se redresser et rembourser ses dettes ?
– Ah oui, j’allais oublier : il dit quoi Hollande ? Il a fait une déclaration ? Il a quelque chose à dire ?
Vu d’ici, je t’avoue que tout ça paraît bien obscur. Mais sans doute ai-je l’esprit moins délié qu’a Paris. Le soleil tape fort, il faut dire. En tout cas, je compte sur toi pour m’expliquer tout ça à mon retour.
*Photo: Pixabay.
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