Tandis que la BBC est l’objet de critiques féroces, un de ses animateurs vedettes annonce le lancement d’une nouvelle chaîne d’informations d’esprit plus populiste, GB News. De notre côté de la Manche, on a déjà CNews!
Le journaliste britannique, Andrew Neil (notre photo), figure emblématique de la scène médiatique outre-Manche, a annoncé qu’il quittait la très étatique BBC pour prendre la tête d’une nouvelle chaîne d’informations en continu se donnant pour ambition de concurrencer BBC News et Sky News à partir de l’année prochaine. Le journaliste de 71 ans prendra la tête de GB News qui sera plutôt orientée à droite. Selon lui, le lancement de la nouvelle chaîne représente « l’événement le plus marquant qui soit arrivé dans le domaine des actualités télévisées au Royaume-Uni depuis 20 ans. » Certains commentateurs ont comparé la nouvelle chaîne à Fox News aux États-Unis. GB News promet de servir « le grand nombre de Britanniques qui se sentent mal desservis et ignorés » par les chaînes existantes. Dans l’actuelle guerre culturelle qui oppose, grosso modo, l’esprit populiste à l’esprit ultra-progressiste ou « woke », la chaîne se positionne explicitement aux antipodes de ce dernier.
La BBC sous le feu des critiques
La création de GB News arrive à un moment où la BBC est très critiquée, à la fois par une section du public britannique et un grand nombre de politiques de droite, dont le premier ministre, Boris Johnson. L’ensemble des chaînes et radios d’État est accusé de manquer d’impartialité et d’être le reflet des préoccupations des élites métropolitaines plutôt que de celles des classes populaires. Son modèle de financement, basé sur une redevance annuelle d’environ 80€, doit être renouvelé – ou pas – en 2022. Le co-fondateur de GB News, Andrew Cole, est allé jusqu’à déclarer que la BBC était une « honte » qui devrait « être démantelée. »
A lire aussi, du même auteur: Pour qui roule la chaîne TV Iran International?
Neil lui-même est un vieux routier du journalisme britannique. Aujourd’hui l’intervieweur le plus redouté par les politiciens de tous bords, ancien rédacteur en chef du très respectable Sunday Times, il travaille depuis 25 ans pour la BBC où il anime de nombreuses émissions phares. Ancien président du groupe appartenant au magnat des médias, Rupert Murdoch, qui a lancé la chaîne privée, Sky News, en 1988, il est, depuis 2008, le président du groupe qui détient le vénérable hebdomadaire, The Spectator, dont il anime la chaîne télé en ligne. Au cours de cette année, les relations entre Neil et la BBC se sont quelque peu dégradées.
Le nouveau directeur général de la BBC, Tim Davie, qui a regretté publiquement que les différentes émissions comiques du radiodiffuseur public soient trop orientées à gauche, a tenté de convaincre Neil de rester, mais celui-ci a décidé de quitter le navire. Il partira en novembre après avoir couvert les élections présidentielles aux États-Unis. La BBC a quand même rendu hommage au journaliste vétéran, regrettant son départ et ajoutant qu’il sera « toujours le bienvenu » chez elle.
Rupert Murdoch envisagerait de lancer une chaîne similaire, lui qui en a créé le modèle avec Fox News, la chaîne d’informations câblée la plus regardée aux États-Unis…
GB News aurait levé entre 55 et 65 millions de dollars, avec pour investisseur principal le groupe américain, Discovery. La chaîne sera financée par la publicité et prévoit d’embaucher près de 100 journalistes et producteurs. Disposant déjà d’une licence de diffusion, elle sera accessible dans la grande majorité des foyers britanniques via les plateformes de diffusion, Freeview, Sky et Virgin Media. Afin de se démarquer de ses rivales, GB News abandonnera le format strict des chaînes d’informations en continu pour privilégier le visionnage à la demande centré sur des émissions animées par des personnalités fortes connues du grand public.
Quand le marché fait la loi
Qu’il existe un créneau de marché pour un média qui se positionne en opposition à BBC News et à Sky News est apparemment confirmé par le fait que l’ancien employeur d’Andrew Neil, Rupert Murdoch, envisagerait de lancer une chaîne similaire. C’est justement Murdoch qui en a créé le modèle avec Fox News, la chaîne d’informations câblée la plus regardée aux États-Unis. Sa nouvelle chaîne britannique serait dirigée par David Rhodes, un ancien de Fox et de CBS.
A lire aussi : Défendre Zemmour, même s’il clive
Assiste-t-on ainsi à une sorte de « trumpisation » des médias outre-Manche ? Certes, l’esprit anti-establishment de GB News pourrait offrir une tribune à des personnalités non-conformistes de droite telles que Nigel Farage, le leader du Brexit Party, qui animait une émission à la radio londonienne, LBC, avant d’être viré pour ses critiques à l’égard des manifestations de Black Lives Matter. Pourtant, la chaîne prévoirait des intervenants appartenant à tout le spectre politique. Certes, on peut se demander si les Britanniques sont prêts pour une Fox News à l’anglaise, mais on ne sait pas non plus si le marché britannique peut supporter trois et peut-être quatre chaînes d’informations, au lieu des deux qui existent actuellement. Les Français acceptent une telle pluralité, mais le Royaume-Uni – faut-il le rappeler ? – n’est pas la France.
2810009848[\asa]
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !