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Trump reconnu «coupable»: les bizarreries d’un procès hors normes

Une tribune libre d’Alain Destexhe


Trump reconnu «coupable»: les bizarreries d’un procès hors normes
© Levine-Roberts/Sipa USA/SIPA

Un tour d’horizon de la presse européenne et américaine permet de constater que les médias étaient à l’euphorie après la condamnation de Donald Trump. La preuve, nous a-t-on répété à satiété, que « nul n’est au-dessus des lois ». Pourtant, ce qui frappe de prime abord après un procès aussi spectaculaire, c’est que personne n’est capable d’expliquer clairement de quoi Trump est coupable exactement. Notre contributeur fait le point.


Pour des infractions qui remonteraient à 2016, l’ancien président est inculpé en avril 2023 seulement, après qu’il se soit déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2024. Le procureur l’inculpe de 34 chefs d’accusations pour « falsification de documents commerciaux », 34 afin de frapper les esprits car les motifs se ressemblent, comme si un juge français avait mis un individu en examen pour 34 chèques ou documents différents au lieu de faire une seule inculpation avec 34 éléments à charge. La falsification dont on parle ici est le fait d’avoir enregistré dans la comptabilité sous la rubrique “services juridiques” des paiements à son avocat Michaël Cohen, qui auraient, en partie, servi à acheter le silence de l’actrice porno Stormy Daniels. Il est important de préciser qu’il n’y a rien d’illégal à conclure un accord de type argent contre silence.

Des bases ténues pour un tel procès

La prescription pour ce délit est de deux ans. Pour pouvoir requalifier le délit (misdemeanor) en crime (felony) et ainsi retarder la prescription, il faut qu’il ait été commis  dans le but d’en commettre un plus grave. En tordant au maximum l’interprétation de la loi, sans preuve, le procureur Bragg sort de son chapeau que ce crime serait la conspiration en vue d’influencer l’élection de 2016. Or, le  département fédéral de la Justice (DOJ) ainsi que la Commission électorale fédérale (FEC) avaient auparavant renoncé à poursuivre M. Trump pour ce motif.

Avant cette inculpation, le prédécesseur du procureur Alvin Bragg, Cyrus Vance, ainsi que M. Bragg lui-même, élu sur la promesse d’avoir la peau de M. Trump, avait renoncé à l’inculper tant l’issue d’un procès sur des bases aussi ténues semblait incertaine, avant de relancer la procédure début 2023, suite à la pression médiatique à l’encontre de Donald Trump résultant notamment du livre d’un ancien procureur adjoint ayant travaillé sur l’affaire.

Contrairement à la coutume new-yorkaise qui veut que l’affectation des affaires sensibles à un juge soient tirées au sort, Juan Merchan a été choisi parce qu’il avait déjà rendu une série de décisions négatives à l’encontre de Donald Trump dans des procès concernant ses sociétés. Il a effectué un don à la campagne de Biden et à des actions pour « résister au Parti républicain et à l’héritage de droite radicale de Donald Trump ». Cela aurait dû suffire à le disqualifier. Ce juge a ensuite mené le procès de façon partiale. Dans le seul but d’humilier l’ancien président, il a autorisé des témoignages sans objet comme celui de Stormy Daniels à l’origine de l’affaire qui était sans rapport avec la falsification de documents commerciaux. Toute l’Amérique a pris connaissance que cette actrice aux 200 films pornos sous-entendait avoir été violée par Donald Trump.

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Le témoin principal sur lequel toute l’accusation repose, M. Cohen, l’ancien avocat de Trump, est un menteur notoire. De son propre aveu, il a menti à un tribunal, il a menti aux médias et il a plaidé coupable d’avoir menti au Congrès. Pour condamner Donald Trump, en l’absence d’autres témoins de ce qu’ils se sont dits, il fallait donc croire M. Cohen.

L’analyse des bizarreries de ce procès et de la partialité du juge sort du cadre d’un article. On pourrait mentionner le traitement du témoin M. Costello ou encore le refus de laisser témoigner l’ancien président de la FEC, Brad Smith, qui était prêt à affirmer que « de tels paiements ne peuvent être considérés comme des violations des règles électorales fédérales et qu’ils n’affecteraient pas l’élection même s’ils étaient considérés comme des contributions, puisqu’ils n’auraient même pas dû être déclarés avant la fin de l’élection » .

C’est votre dernier mot ?

Ce qui choquera sans doute le plus un observateur européen, mais qui n’a guère été souligné dans les médias, est que, dans la procédure new-yorkaise, les plaidoiries finales commencent par la défense, l’accusation ayant le dernier mot. En l’absence de réplique de la défense, c’est au juge qu’il incombe d’empêcher le procureur d’avancer des contre-vérités flagrantes, ce qu’il ne fera pas, laissant le procureur affirmer que la loi électorale a été violée par la campagne Trump.

Les instructions données au jury furent la cerise du juge Merchan sur le gâteau de cette étonnante justice. Rappelons que pour qu’il soit condamné Trump devait avoir falsifié des documents commerciaux dans le but de commettre une autre infraction plus grave. Comme il n’avait jamais été condamné pour cette supposée dernière, le juge Juan Merchan laissa le choix au jury entre trois options. Il pouvait s’agir de dissimuler une infraction électorale fédérale, de la falsification de documents commerciaux ou d’infractions fiscales. Mais le jury ne devait pas être unanime sur ce point et du moment qu’ensemble tout le monde était d’accord qu’une de ces infractions avait été commise – sans dire laquelle et même si les jurés n’étaient pas d’accord entre eux – le compte du « Donald » était bon ! On se saura donc jamais – et l’accusé non plus – quelle est ce crime secondaire pour lequel il n’a jamais été condamné mais qui lui vaut quand même d’être jugé coupable !

D’ailleurs, Donald Trump avait-il la moindre chance d’être déclaré non coupable avec un jury pêché dans un district électoral qui a voté à 86% pour Joe Biden en 2020 ? On ne s’attardera pas non plus sur le fait, à cinq mois de l’élection, en pleine campagne électorale, d’obliger le candidat républicain à être présent au tribunal quatre jours par semaine pendant plus d’un mois. Loin d’être la preuve d’un fonctionnement tout à fait normal de la justice, ce procès en était une grossière caricature, entaché de nombreuses irrégularités comme des dizaines de juristes et d’observateurs (Alan Dershowiz, Alex Berenson, Elie Honig, Johantan Turley..) l’ont mis en évidence. Malheureusement, dans le climat de polarisation de l’Amérique et de haine envers Donlad Trump, les faits importent peu. Il était donc important de les rappeler.

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Sénateur honoraire belge, ex-secrétaire général de Médecins sans frontières, ex-président de l’International Crisis Group

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