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Où va le populisme?

Il ne parvient pas à freiner les ambitions de la "davocratie"


Où va le populisme?
En déplacement à Lisbonne le 10 janvier 2021, Marine Le Pen scrute ce qui se profile de l'autre côté de l'Atlantique... © Alain ROBERT/SIPA Numéro de reportage : 00999282_000039

Nous devrions l’être en tant que Français… mais comment pourrions-nous être indifférents à la direction prise par l’Amérique? Comment pourrions-nous être indifférents au rejet de Trump et à la victoire de Biden? Le camp du Bien et la davocratie sont de retour, comment réagiront les «déplorables» des deux côtés de l’Atlantique?


Que l’on me corrige si je me trompe, mais il me semble que les temples de la démocratie américaine n’avaient plus été pris d’assaut depuis l’incendie de la Maison-Blanche durant la guerre de 1812. Ce qui s’est produit mercredi dernier à Washington est donc important et même, pour une fois, vraiment « historique ». Je résume : après avoir réuni ses partisans et fait un discours viril, Donald Trump a vu certains de ces derniers envahir le Congrès qui était en train de valider les résultats de l’élection de novembre. Dépassé, le service d’ordre du Capitole a fini par ouvrir le feu. Du reste, le calme est très vite revenu ; indignés, les élus ont pu élire. Et les médias, bien entendu, ont profité de l’événement pour reprendre le Trump bashing qu’ils avaient lâché courant décembre, à la suite des nombreuses défaites du « populiste » en chef devant les innombrables cours que compte ce pays. Il est encore plus fou que nous ne le pensions, ont-ils dit, pointant cet homme qui leur donne littéralement envie de vomir depuis quatre ans. Alors que Trump doit quitter le pouvoir dans moins de dix jours, il convient de se demander où va l’Amérique.

Les satrapes de l’UE expliquaient récemment qu’ils devaient mieux « gérer » les flux migratoires. Pour protéger les cultures du continent ? Pour soulager notre Etat-providence ? Pour donner moins de travail aux tribunaux ? Non, pour juguler le «populisme»!

Nous ne sommes que les États-Unis avec dix ans de retard

En fait, la destination prise par l’Amérique devrait nous indifférer. Personnellement et comme 99,9% des Français, je n’ai aucun lien avec elle. Pire encore, son histoire et son être-au-monde sont très différents de ceux de la France. Ce n’est ni une sœur comme l’Italie, ni une cousine comme l’Angleterre ; c’est autre chose, à la fois proche et lointaine, une sorte de camarade de classe débarqué en cours d’année scolaire, riche, rebelle, violent, et qui est parvenu, par la séduction et la force, à se faire élire délégué. Ses opinions, ses lubies, ses décisions s’imposent à tous. Depuis l’après-guerre au moins, nous ne sommes, nous autres Européens, que les Etats-Unis avec dix ans de retard ; c’est le grand incubateur du mondialisme ; l’Eglise progressiste a vu le jour dans ses campus. Mais c’est également là que la réaction la plus spectaculaire au pouvoir de ladite Eglise s’est dressée par le truchement d’un magnat de l’immobilier – la Providence a de l’humour. De sorte que l’on est obligé, quand on s’intéresse à ce qu’il va advenir de nous, de se pencher de très près sur le pays des ligues de vertu, de Townes Van Zandt et Miley Cirus.

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En 2016, il était agréable d’imaginer que la victoire de Trump allait faire reculer le camp du Bien. Elle arrivait, cette victoire, après celle du Brexit. Orban tenait fermement en Hongrie. La « crise des migrants » venait de prouver que les « délires » de Jean Raspail dans Le Camp des Saints n’en étaient pas ; un million au moins de jeunes hommes pour la plupart musulmans et sans aucune qualification venaient de rentrer en Europe comme ça, par la force du nombre et en profitant du sentiment de culpabilité – et des calculs – des élites continentales. En France, affolé, le système trouvait la parade avec Emmanuel Macron et l’aide inespérée de Marine Le Pen lors du légendaire débat du second tour. Du reste, en Italie, Salvini arrivait ; en Allemagne, l’AFD brisait le sinistre trio Grünen/SPD/CSU ; Eric Zemmour vendait des centaines de milliers d’exemplaires de son Destin français. Oui, à s’en remettre aux urnes, à l’audimat et, plus encore, aux sondages, on pouvait croire que le progressisme avait du plomb dans l’aile. Aujourd’hui, Trump est menacé d’expulsion, Orban est mis au ban de l’UE, Salvini est retourné dans l’opposition, Zemmour vit à la XVIIe chambre, et le mouvement BLM s’est exporté en Europe. Partout le souverainisme monte ; il est même majoritaire dans l’opinion ; il demeure cependant minoritaire dans les assemblées et presque invisible dans les médias, qui ne l’invoquent que pour le condamner. Pourquoi ?

Débat d'entre-deux-tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, mai 2017. SIPA. 00805008_000038
Débat d’entre-deux-tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, mai 2017. SIPA. 00805008_000038

Une bataille décisive est engagée

Dans les démocraties libérales, la volonté populaire sert au mieux de variable d’ajustement ; tout l’enjeu, pour les libéraux, est d’appliquer leur programme – la davocratie dont parle Renaud Camus – tout en laissant aux classes laborieuses indigènes, qu’ils savent farouchement hostiles à ce dernier, l’illusion qu’elles ont encore un mot à dire dans l’incessant « débat » démocratique. Ce mot ne doit pas être dit trop fort ; il doit être issu de la novlangue, désormais bien installée, faute de quoi il peut mener son auteur à la mort sociale voire au tribunal. Et même si celui qui s’exprime fait bien attention à son vocabulaire, développe une pensée nuancée, c’est alors le soupçon qui l’accable : un patriote sera toujours ramené à son inconscient, accusé de pratiquer la taqîya afin de cacher des desseins encore plus sombres que ses idées. Car il faut bien comprendre que, dans l’esprit des progressistes, une bataille décisive est engagée entre leur camp et ceux qui s’y opposent ; leur phraséologie et leurs méthodes n’ont rien à envier à celles du Komintern ; quoique marginaux à leurs propres yeux, ils dominent en tenant l’État, le droit et les juges, la police, l’argent, les grands médias, les universités, les assos et les ONG, et Juliette Binoche. Ils ont très clairement désigné leur ennemi héréditaire, à savoir le « populisme », quand ils refusent mordicus d’en désigner un autre, qui a pourtant du sang sur les mains et va longtemps continuer d’en faire couler dans nos rues. Les satrapes de l’UE expliquaient récemment qu’ils devaient mieux « gérer » les flux migratoires. Pour protéger les cultures du continent ? Pour soulager notre État-providence ? Pour donner moins de travail aux tribunaux ? Non, pour juguler le « populisme » ! Aux États-Unis, des fanatiques de la même espèce ont mené une guérilla quotidienne contre Trump. Du Mur à sa gestion du coronavirus, il a été moqué, débiné, agressé, trahi en permanence ; l’État profond et les milieux culturels ont tout osé pour le dégager. Que l’on songe à ce qu’il dut affronter pendant sa présidence, du premier au dernier jour où, malgré l’immense flou qui accompagnait les résultats de l’élection, tous les grands médias ont proclamé la victoire de Biden, ce qui relevait alors, moralement, de la pure autosuggestion et, légalement, du presque coup d’État. Et maintenant, Trump est banni des réseaux sociaux, qui étaient le dernier espace où il pouvait s’exprimer sans le filtre de ses adversaires. Ici comme dans la loi Avia – qui reviendra forcément –, l’idée est de bâillonner la « haine » ou bien plutôt une « haine » en particulier. Le mot que les peuples pouvaient encore prononcer, ils devront bientôt le garder pour eux ; hier « fachos », ils sont à présent « complotistes » ; après avoir été dépossédés d’eux-mêmes, le système veut les faire disparaître.

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L’élection de Trump était un sursaut des classes populaires américaines contre la sécession de leurs élites. Force est de constater qu’il fut insuffisant. Disposant du Congrès, les Démocrates vont pouvoir refaire de l’Amérique le gendarme du monde et, dans une large mesure, consacrer tous les délires sociétaux des minorités qui forment leur électorat. Comment réagiront les « déplorables » ? Attachés à leur constitution comme nous à nos fromages, ils rechignent à la violer ; la force qu’ils ont manifestée l’autre jour était fort mesurée, comme l’avait été ici – quoiqu’en disent ceux que l’image d’une jardinière en feu émeut aux larmes – celle des gilets jaunes. Mais, contrairement aux Européens qui sont désarmés et donc dans l’incapacité de s’opposer à la violence légitime d’un État qui la réserve aux patriotes, les Américains, eux, peuvent compter sur le deuxième amendement…

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Nicolas Lévine est écrivain

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