Pourquoi cette question reste-t-elle au cœur de la politique américaine? Tribune d’Alain Destexhe, sénateur honoraire belge.
Malgré la résistance des Démocrates lors des midterms, le climat politique américain reste plombé par les accusations de Donald Trump d’une « élection volée » en 2020. Lorsqu‘ils les rapportent, les journalistes, américains comme européens, leur accolent systématiquement les expressions fausses, dénuées de tout fondement, bref « une thèse délirante pour expliquer une défaite incontestée » (Le Monde).
Pourtant 40% des Américains, 70% des Républicains et 37% des « indépendants » en sont convaincus et ils ont de bonnes raisons pour cela. Sur 155 millions de votants, l’élection présidentielle de 2020 s’est décidée avec 44 000 voix de différence seulement dans trois États : l’Arizona, le Wisconsin et la Géorgie ! On comprend la sensibilité du sujet alors que les soupçons de fraudes ou d’irrégularités abondent.
Trois semaines avant l’élection, le New York Post révéla l’existence d’un ordinateur portable appartenant à Hunter Biden, le fils de Joe, déposé mais non réclamé chez un réparateur et saisi par le FBI. Il contenait des emails compromettants pour le président actuel sur les affaires de son fils avec la Chine et l’Ukraine, facilitées par la fonction de celui qui était alors Vice-président des États-Unis. Potentiellement explosive en pleine campagne électorale, les médias mainstream et les réseaux sociaux choisirent délibérément de censurer l’information. Mark Zuckerberg a expliqué pourquoi Facebook avait adopté cette attitude. Il s’avère que ces informations étaient exactes, même le Washington Post l’a reconnu. A l’époque, le ban et l’arrière ban du Deep State avaient été mobilisés par le camp Biden pour dénier toute crédibilité à ces révélations. 51 anciens responsables des services secrets avaient témoigné que cette information avait les caractéristiques classiques d’une opération de désinformation russe. À lui seul, cet épisode jette un sérieux doute sur le résultat d’une élection aussi serrée.
De même qu’aujourd’hui ils favorisent les Démocrates, en 2020 presque tous les médias roulaient ouvertement pour Biden et contre Trump, ce qui faussait la compétition électorale. Selon une étude, 95% de la couverture du président sortant était négative, 67% de celle de Biden positive. En 2016, le premier avait bénéficié du soutien de Fox News et de la neutralité de Twitter et de Facebook. Quatre ans plus tard, les gestionnaires des réseaux sociaux étaient devenus hostiles et Fox News mitigé, ce dont le président ne cessa de se plaindre. Que dans ce climat d’animosité, il ait recueilli 74 millions de voix, davantage qu’en 2016, relève de l’exploit.
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Plus graves encore du point de vue de la démocratie furent les modifications des lois électorales dans plus de 30 États, certaines intervenant sans ratification par les parlements concernés. Invoquant les risques liés au Covid, les « secrétaires d’État » de plusieurs États Démocrates, en charge de superviser les élections, étendirent considérablement la possibilité de voter par correspondance ou via des drop box, des sortes de boites aux lettres disséminées sur le territoire et, souvent, laissées sans surveillance. En 2020, 46% des électeurs votèrent de cette façon, plus du double qu’en 2016 (21%), bien davantage de Démocrates (60%) que de Républicains (30%). Ce système, très limité voire interdit ailleurs dans le monde, permet une série de fraudes, notamment sur le contrôle de l’identité et le secret du vote. Ce n’est pas sans raison qu’il est interdit en France et dans la plupart des États européens. L’OSCE considère que ce mécanisme « nécessite, entre autres, des garanties efficaces contre d’éventuelles manipulations […] et présente des défis considérables pour l’intégrité des élections […]. Les avantages éventuels doivent être mis en balance avec les défis que ces méthodes peuvent poser au secret, à l’égalité et à l’universalité du vote ».
En effet, ces pratiques ouvrent la voie aux faux électeurs et au ballot harvesting, la récolte – illégale mais difficile à contrôler – des bulletins de vote, éventuellement contre de l’argent, comme Project Veritas l’a démontré. En 2020, le taux de rejet des bulletins présentait de fortes divergences entre les États qui vérifiaient la conformité de la signature de l’électeur (4,10% de rejet) et ceux qui ne le faisait pas (0,73% seulement), ce qui – évidemment – fausse une élection. Tirant les conclusions de ces anomalies, la Cour suprême du Wisconsin, un des États perdus de peu par Donald Trump, a d’ailleurs interdit l’usage de ces drop box lors des futures élections.
La manipulation du système électoral a pris des aspects encore plus pervers avec des financements massifs et occultes. A travers des fondations « non partisanes et sans but lucratif », Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, a dépensé plus de 300 millions de dollars pour « augmenter la participation aux élections ». Un devoir civique assurément, sauf qu’il s’avère que ces montants ont été largement utilisés dans les districts des swing states qui votent massivement Démocrate, ce qui fait dire à certains que l’élection n’a pas été volée mais achetée. Ainsi en Géorgie, il a dépensé 45 millions de dollars dans des districts Démocrates. Sans les Zuckbucks, Biden, qui a obtenu 12 000 voix de plus que Trump (49,47% contre 49,24%) sur cinq millions d’électeurs, l’aurait-il emporté ? En présence de telles manipulations, il est risible d’affirmer que 2020 fut « l’élection la plus fiable de l’histoire » !
Enfin, la tradition, prévue par la loi, de contester les élections ne date pas de Donald Trump. On se souvient du duel Gore – Bush en 2000 et, depuis 2016, Hillary Clinton et les leaders démocrates n’ont cessé de nier la légitimité de Trump, mais les médias partisans se montrent discrets à ce sujet.
Certes, aucune des procédures entamées par Trump devant la justice n’a abouti. Cependant, une analyse de chacune de ces plaintes n’invalide pas nécessairement la thèse d’une élection volée. En effet, avec le vote par correspondance tel qu’il est organisé aujourd’hui et les dropbox, il est quasiment impossible de prouver une fraude. Du reste, un système électoral incapable de fournir des résultats définitifs avant plusieurs semaines ouvre à l’évidence la voie à des fraudes et des recours et est indigne d’une grande démocratie. On connaissait le résultat de l’élection présidentielle au Brésil (214 millions d’habitants) le soir même !
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N’en déplaise aux médias, les arguments évoqués plus haut jettent de sérieux doutes sur l’élection de 2020 et sont très convaincants à l’aune des pratiques électorales européennes. Donald Trump veut en revenir au vote en personne le jour de l’élection, à la présentation d’une pièce d’identité, aux bulletins papiers et au dépouillement le jour même… Comme en France ! De plus, les Républicains réclament des règles aussi pertinentes que le vote des lois électorales par les parlements, un meilleur contrôle du vote par correspondance (en Europe, il faut avoir une bonne raison), sa limitation dans le temps (aujourd’hui jusque 50 jours avant l’élection en Pennsylvanie, alors que la campagne n’a pas eu lieu !). Des revendications de bon sens auxquelles les Démocrates s’opposent pourtant avec véhémence en les qualifiant de « suppression de votes ».
Cependant, si des doutes légitimes persistent sur la régularité de l’élection de 2020, politiquement, on le voit avec le résultat des midterms, les Républicains n’ont rien à gagner à reprendre le refrain de Donald Trump et feraient mieux de se concentrer sur les futures élections. Les Démocrates ont réussi à faire des election deniers dont plus de 210 ont été élus à différents niveaux cette semaine, et de fantaisistes « menaces sur la démocratie » de la part des Républicains, un enjeu qui, avec l’avortement, a mobilisé leur base électorale.
C’est sans doute le principal enseignement des midterms. Suivre Trump dans ses obsessions et son narcissisme mènera probablement à une défaite en 2024, alors que Ron DeSantis, qui partage la même idéologie que Trump mais sans ses outrances, serait un redoutable candidat, à même de l’emporter.
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