L’élection de Donald Trump est sans doute un événement de première importance tant la victoire de ce VRP de génie à la tête de la première puissance mondiale représente la dernière cartouche du système politico-économique actuel. Car, contrairement à ce qu’on peut croire, Trump a été élu après avoir joué le jeu. Il a certes joué brutalement et en enchaînant les transgressions mais sans jamais se faire disqualifier ou en rejeter les règles. Plus encore, il ne propose rien de vraiment original. Sur l’économie, l’immigration ou la géopolitique, ses positions, souvent contradictoires, ne sont pas révolutionnaires : tout a déjà été proposé et testé avec plus ou moins de succès. Quant à une supposée rupture avec les élites, après son discours de victoire hier matin, les illusions ne sont plus permises.
Trump a non seulement rendu hommage à Hilary Clinton, la femme qu’il proposait, pas plus tard qu’avant-hier, de mettre en prison, mais il a enchaîné les banalités et les politesses, gommant en quinze minutes presque dix-huit mois de discours et de prises des positions en tous genres. Certes brutal, Trump reste un gentleman à la fin des fins. Que je sache, Lénine n’a pas serré la main de Nicolas II, pas plus que Robespierre n’avait rendu hommage à Louis-XVI pour ses services à la nation.
Trump est allé jusqu’à remercier nommément de nombreux membres de son équipe en les invitant à se faire reconnaître : il avait à coeur de se montrer bien entouré, de rassurer en envoyant un message de continuité et en affichant son sens des responsabilités. Il a donc montré que, désormais, ce qu’il y avait de fou et d’original chez lui, autrement dit ce qui a fait rêver presque 60 millions d’Américains, n’est plus d’actualité.
Bref, le premier message du président élu est le suivant : « La seule chose qui compte est la victoire. J’ai donc tout fait pour gagner, y compris vous faire croire ce que vous aviez envie de croire. Mais maintenant soyons adultes et sérieux, rentrez chez vous car j’ai le monde à gérer. » Aujourd’hui élu, il n’assume plus la radicalité et le potentiel transgressif de sa campagne…
Si cela vous rassure, détrompez-vous. Si Trump déçoit, si d’ici un an les emplois ne sont pas de retour et la réalité reste peu ou prou ce qu’elle est aujourd’hui, vers qui les Américains abusés par le système vont se tourner ? Les électeurs déçus de Trump en viendront-ils à croire le candidat qui s’engagerait à tenir les engagements trahis du nouveau président ? Ou bien laisseront-ils tomber le système, pensant que rien de bon ne peut venir de la démocratie libérale ? Avec Trump dans l’arène, le dernier recours de Washington est mis à l’épreuve car, comme le démontre son discours de victoire, il reste malgré tout le « plan B » du système actuel. Le plan C risque d’être un jeu totalement différent. C’est pourquoi la nuit du 8-9 novembre 2016 est si importante dans l’histoire américaine. Trump aura été le châtiment infligé à Obama, sa punition pour avoir suscité un fol espoir qu’il ne pouvait que décevoir. Qui, dans quatre ans, punira Trump pour le même péché ?
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