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Trump: éloge d’un « gros con »


Trump: éloge d’un « gros con »
Donald Trump, sa femme Melania et son fils Barron dans leur penthouse familiale. Photo: D.R.
Donald Trump, sa femme Melania et son fils Barron dans leur penthouse familiale. Photo: D.R.

Je veux bien croire Alain Finkielkraut quand il nous dit que « Donald Trump est un gros con ». Il y a des détails qui ne trompent pas, comme les robinets en or, qui rapprochent le magnat américain du mafieux russe et de l’émir arabe. Mais je ne suis pas convaincu quand il ajoute que ses électeurs ont eu tort de voter pour lui. Je comprends que l’on puisse hésiter à élire un vulgaire gros con chef du monde libre, mais faut-il renoncer à donner sa voix au seul candidat qui dit, même mal, ce que l’on pense si fort ? Qui choisir entre un amateur agressif qui pose grossièrement les questions identitaires et migratoires qui inquiètent l’Amérique, et ses concurrents expérimentés, compétents, rassurants et polis qui les évitent soigneusement ? Est-ce la faute des gens si aujourd’hui la vérité sort de la bouche des gros cons ? Comment alors reprocher aux électeurs de faire le mauvais choix plutôt que la fine bouche ?

Dans l’un de ses romans, Jackie Berroyer retrouve un ami d’enfance, nettement plus con que lui. Il réalise que dans sa vision simpliste et son approche primaire des choses et de leur ordre, son vieux copain ne vit pas moins que lui dans le réel, qu’il se débrouille plutôt mieux dans la vie et qu’il emballe davantage. Les chapitres se terminent par : « Mais à quoi ça me sert d’être moins con que lui ? » On comprend le désarroi d’une élite politique, médiatique, intellectuelle, et de tant de maîtres à penser qui voient les peuples leur préférer des maîtres à ne pas trop penser, mais on comprend aussi les gens quand ils se choisissent des dirigeants qui pensent à eux d’abord, parce que l’époque est moins aux concours d’élégance de la pensée qu’aux combats des chefs. En Amérique comme en Europe, les gens qui portent les candidats populistes semblent se soucier assez peu du QI ou de la bonne tenue de leur porte-parole, pourvu que leur parole soit enfin portée. Au pays des aveugles, les gros cons peuvent devenir présidents, qu’ils soient opportunistes ou fascistes-friendly, s’ils restent trop longtemps seuls dans la meute politique à entendre ces majorités qui veulent des frontières pour rester des peuples.

Alain Finkielkraut trouve le président Trump impulsif, imprévisible et brutal. On peut comme lui s’en inquiéter, on peut aussi s’en réjouir car ceux qui ont de sérieuses raisons de craindre ses brutalités imprévisibles, ce sont surtout ces ennemis de l’Amérique qui sont aussi les nôtres. À un moment de sa campagne, Trump a vu ses meetings envahis par des opposants qui lui jetaient des tomates. Il s’est un jour adressé à la salle en ces termes : « Si vous en voyez qui jettent des tomates, cassez-leur la gueule, je couvre les frais de justice. » La réaction du gros con impulsif qui incite à la violence est contestable, mais l’attitude d’un responsable qui couvre les siens, qui ose une défense légitime et en paye les frais, celle simplement d’un vrai chef, l’a emporté pour la moitié des Américains. Ont-ils eu tort ? Je n’en suis pas sûr. Si les détails ne trompent pas, ses électeurs y ont peut-être vu la marque d’un véritable responsable politique, capable de défendre les intérêts de ses concitoyens, de son peuple, de sa civilisation à la limite de la décence, des habitudes, des conventions ou de la loi, et même de la justice.

Subirions-nous encore les burkinis si un Donald français avait siégé au Conseil d’Etat ?

Cette façon de repousser les limites du possible pourrait faire envie chez nous où ce ne sont pas les « gros cons » façon Trump qui règnent, mais les sages planqués dans leurs conseils, les meilleurs d’entre nous dans les ministères, les plus hauts juristes dans les hautes cours, les plus grands avocats chez le président et les élus les plus expérimentés aux commandes. Et on peut parfois le regretter. Aurions-nous encore des burkinis si un Donald français avait siégé au Conseil d’État ? Et s’il y avait eu un peu plus de « Trumps » dans nos hémicycles, avec leur gros bon sens de gros cons, nous aurions sans doute à présent une bonne loi de déchéance massive de nationalité pour nos ennemis intérieurs et islamistes. Si Trump était à l’Intérieur, laisserait-il la police se faire tirer dessus à balles réelles sans riposter (comme récemment à Beaumont-sur-Oise dont l’actualité, ou plutôt les actualités, n’ont retenu que la mort du malheureux Adama) ?[access capability= »lire_inedits »] Les policiers brûleraient-ils dans leurs voitures sans tirer sur leurs agresseurs, s’il y avait un peu plus de trumpattitude dans leur hiérarchie, jusqu’à leur ministre qui ne manque ni d’élégance, ni d’éloquence, ni d’intelligence. Notre police, notre justice, notre État ne gagneraient-ils pas à devenir, à l’image de Trump, un tout petit peu plus « impulsifs, imprévisibles et brutaux », pour réprimer et dissuader les délinquants, les criminels et les terroristes ? Mais plus largement, on peut espérer du gros con ce qu’on n’attendait plus des responsables sérieux et fréquentables : qu’il ouvre le champ du possible à tout ce qui était soi-disant impossible, en rétablissant des frontières quitte à élever des murs ou à pratiquer de salutaires discriminations à l’entrée du territoire. Vu du pays du droitdel’hommisme désarmant, le trumpisme peut même faire rêver.

Mais il y a une autre raison d’approuver les électeurs de Donald : Il est plus drôle de défier la doxa et d’effaroucher les bien-pensants avec un de ces gros cons qui n’ont pas les moyens de se perdre dans les nuances qu’avec n’importe quel modéré, tempéré ou pondéré. Je crains que certains Américains l’aient élu non pas malgré son côté « gros con », mais bien à cause de lui.

Quand Trump nie la réalité du réchauffement climatique mais redoute une islamisation de l’Occident, il y a brutalement dans cette inversion des priorités de quoi réjouir celui qui préférerait finir sa vie les pieds dans l’eau plutôt que barbu avec plusieurs bonnes femmes sous clés, sous cloches et soumises, même s’il n’est pas dupe de l’ignorance dangereuse du candidat. Le vote Trump peut devenir alors l’aubaine d’une riposte proportionnée à ceux qui ne croient pas à la réalité du grand remplacement. Ignorance dangereuse toi-même ! répond ainsi l’Amérique des campagnes à celle des campus.

Quand Trump parle des femmes comme un fanfaron macho, même le farmer le moins gentleman ne le trouve ni très malin ni très digne, mais comment résister à la tentation pour le mâle américain de laver dans les urnes les humiliations subies par ces piteuses repentances venues d’hommes publics censés le représenter, de Hugh Grant qui s’excusa publiquement pour être allé aux putes à Bill Clinton obligé de demander pardon pour avoir sauté une stagiaire consentante. Comme dit Clint Eastwood, grand maître à ne pas trop penser, « Trump, c’est le candidat antimauviettes ».

Je ne suivrai donc pas Alain Finkielkraut dans sa réprobation des électeurs de Trump. Après tout, que risquaient les Américains à voter comme au bowling ? Une partie de réjouissante rigolade au début de son mandat, et à la fin, si tout se passe bien, moins d’immigrés clandestins, moins de musulmans terroristes, moins de produits chinois, moins de pétrole arabe. Les élections françaises m’inquiètent davantage car après un quinquennat de Juppé ou de Fillon, qui sont tous deux assez éloignés du gros con, nous n’aurons peut-être pas eu les insultes et le mépris du Monde ou du New York Times, mais nous aurons un million d’immigrés supplémentaires, sans compter les clandestins et sans parler des terroristes musulmans.

Alors on ne peut pas aimer lire et écouter Alain Finkielkraut, et tenter d’affirmer la suprématie des gros cons sur les esprits fins. Mais il faut reconnaître, quand ils sont les derniers à défendre les derniers bastions du bon sens, que pour gouverner, l’intelligence ne suffit pas. Trump n’est pas Einstein, nous sommes tous d’accord, mais le grand savant n’a-t-il pas renoncé à être président, peut-être conscient de ses limites, car dans l’exercice du pouvoir une dose mesurée de connerie peut être utile ou, plus précisément, un peu de candeur dans la volonté, du courage dans le verbe comme dans l’action, pas mal de bon sens et beaucoup d’audace. Comment nommer alors ce plus ou moins savant mélange d’intellect et d’instinct ? Intelligence politique ? Les élus remplacés en ont peut-être manqué en oubliant d’être primaires. « Les cons, ça ose tout », disait Audiard, alors on se met à en élire. Il disait aussi qu’« un con en marche va toujours plus loin que deux intellectuels assis ».[/access]



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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