«Tropique de la violence», film de Manuel Shapira, adapté du roman à succès de Nathacha Appanah, dresse un portrait de notre 101ème département.
Moïse élevé par Marie : si les prénoms ont un sens, ici pas la peine d’appuyer le trait. Un garçon Mahorais (c’est ainsi qu’on appelle les habitants de Mayotte), enfant abandonné, voué à la clandestinité, a été élevé avec amour par une femme blanche (Céline Sallette).
Mais Marie fait un AVC et se fracasse le crâne en tombant sur le carrelage. Paniqué à l’idée qu’on l’accuse d’assassinat, Moïse s’enfuit. Au cœur du bidonville où il a trouvé refuge, il devient enfant-esclave d’une bande de voyous qui, sous la coupe de Bruce, un jeune chef de clan névrosé, ne vit que de larcins et d’agressions. Entre eux, ces garçons ne parlent que le dialecte Shimaoré. D’ailleurs, dixit le dossier de presse, c’est Fazal, un local analphabète qui, endossant en acteur occasionnel le rôle de Bruce, aura appris grâce à ce tournage à lire et à écrire le français.
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30% de clandestins
Sur un scénario co-écrit avec l’autrice et réalisatrice Delphine de Vigan à partir du roman éponyme de la Mauricienne paru en 2016 chez Gallimard, le film du comédien et cinéaste Manuel Shapira n’a, d’une fiction, que les apparences. De fait, nous sommes à Mayotte, 374 km2, devenu comme l’on sait le 31 mars 2011 notre 101ème département. Ile-de-France mise à part, l’archipel est le plus dense de… l’Hexagone. Et le plus pauvre, de loin : en comparaison, la Seine Saint-Denis est un Eden. En dix ans, la population de Mayotte est passée de 200 000 à 300 000 habitants recensés – chiffre probablement sous-évalué compte-tenu du nombre d’immigrants qui peuplent les deux îles principales, Mahoré (dite Grande-Terre) et Pamanzi (dite Petite-Terre), la plupart venus des Comores voisines : 30% de la population y est clandestine ! Et Kaweni peut s’enorgueillir de constituer le plus vaste bidonville de notre pays !
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Un film qui n’édulcore rien
Sommes-nous bien en France ? Il semblerait. Marine Le Pen, en décembre dernier, y a fait un saut. Elle y a sans doute vu la misère. Mais sûrement pas le régime de terreur qui y sévit. A cet égard, « Tropique de la violence » ne donne pas dans l’édulcoration, c’est le moins qu’on puisse dire. Hébété, notre petit Moïse sera finalement recueilli par Stéphane, un éducateur, à la tête d’une secourable ONG baptisée « Les enfants de Mayotte » à l’effigie de laquelle le photogénique comédien Dali Benssalah arbore de seyants tee-shirt bleu marine. Mal lui en prend. Poursuivis par la horde, le mouflet et son protecteur n’ont pas franchement leur destin en main : l’épilogue le laissera très cruellement pressentir. Mayotte, territoire oublié de la République…
Tropique de la violence. Film de Manuel Schapira. France, couleur, 2021. Durée : 1h32. En salles le 23 mars.