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Trop de démocratie nuit aux partis


Trop de démocratie nuit aux partis

royal aubry ps

À quelques années d’intervalle, les deux grands partis structurant la vie politique française se sont livrés à une foire d’empoigne homérique à l’occasion de la désignation de leur lider maximo. En 2008, le congrès de Reims du Parti socialiste désigna Martine Aubry comme première secrétaire, à l’issue d’un vote des militants où elle l’emporta d’un cheveu sur Ségolène Royal. On put constater, de part et d’autre, que des bourrages d’urnes dans des fédérations bien tenues par des barons locaux tout-puissants, notamment dans les Bouches-du-Rhône (pour Ségolène) et le Pas-de-Calais (pour Martine) n’étaient pas totalement étrangers au résultat final.[access capability= »lire_inedits »]
Le PS a survécu à la crise (il en avait vu d’autres au cours de sa longue histoire), mais les deux principales protagonistes de l’affrontement se sont brûlé les ailes devant les porter jusqu’à l’empyrée élyséen.

Le psychodrame que vit actuellement l’UMP est la réplique exacte, à droite, de la bataille de chiffonnières socialistes de 2008. Ses conséquences sur l’avenir de l’UMP risquent cependant d’être plus dévastatrices, car la droite française de la Ve République n’est pas accoutumée à régler en interne, au sein d’un parti, les conflits d’ambitions personnelles. Lorsque deux gaullistes briguent la charge suprême, comme ce fut le cas en 1995 avec Jacques Chirac et Édouard Balladur, ils demandent directement au peuple souverain de trancher, privant les membres du parti de la plus noble de leurs prérogatives : désigner démocratiquement le champion qui portera leurs couleurs dans la « mère de toutes les élections ».

Cette dépossession des militants au profit des sympathisants a été parachevée au PS par l’organisation − couronnée de succès − des « primaires » pour la désignation du candidat du parti à l’élection présidentielle de 2012. Une fois le pouvoir conquis, la désignation du chef du parti majoritaire donne lieu à un simulacre de démocratie et à de biens réelles manœuvres d’appareil aboutissant à la mise en place d’un Harlem Désir dont le destin présidentiel n’est pas évident. Il ne fera pas d’ombre aux futurs gladiateurs de l’échéance 2022.

La bagarre pour la conquête de l’appareil de l’UMP visait à obtenir la « pole position » pour la primaire ouverte de 2016 en vue de l’élection présidentielle de 2017. Ce fut une erreur majeure, les cadors n’ayant pas eu l’intelligence de s’entendre sur un homme − ou une femme − de paille qui garderait la maison avant la grande explication.

À quoi servent donc les partis politiques dans cette situation où le supporteur se substitue au militant comme faiseur de roi ? Jadis, ils remplissaient deux fonctions majeures : la production d’idées politiques et de programmes adaptant aux circonstances de l’heure un corpus idéologique hérité des fractures du passé ; et la sélection, au sein de la société civile, des élites locales et nationales pour occuper les postes électifs de la République. Or, jamais cette dernière n’a exigé des partis politiques qu’ils pratiquent en leur sein la démocratie qu’elle impose pour la conquête du pouvoir municipal, régional ou national. C’est ainsi qu’à droite comme à gauche, des formes d’organisation autoritaires, hiérarchisées, voire militarisées ont cohabité avec des structures où les militants avaient au moins l’illusion de peser sur les orientations de leur parti. L’oxymore du « centralisme démocratique » inventé par le communisme stalinien, sans doute la plus géniale arnaque conceptuelle du xxe siècle, en est la parfaite illustration, comme la conception transcendantale d’un parti issu d’un chef, et non l’inverse, incarnée par le gaullisme de la grande époque.

L’extension du domaine de la démocratie à la vie des partis s’est révélé plutôt un handicap qu’un atout dans la dernière période : le capharnaüm régnant chez les Verts avant leur conversion à la pratique ordinaire du clanisme et de la magouille en coulisse en a fourni une preuve éclatante. Le système politique institué par la Ve République, et l’accentuation de son caractère présidentiel depuis l’adoption du quinquennat, ont transformé les grands partis en conglomérats d’écuries présidentielles avançant masquées sous le nom de « courants », dont les différentiations idéologiques relèvent plus du positionnement marketing que de l’intime conviction de ceux qui les incarnent et les animent. Qu’ils s’arrangent entre eux pour nous faire, le moment donné, une proposition politique susceptible de réveiller notre passion citoyenne. La manière dont les candidats aux magistratures, petites et grandes, sont parvenus à l’emporter sur leurs concurrents m’importe peu, pourvu qu’ils ne confondent pas, une fois leur objectif atteint, le service de la nation avec celui de leurs obligés.[/access]

*Photo : Parti socialiste.

Décembre 2012 . N°54

Article extrait du Magazine Causeur



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