Trois questions, trois réponses avec André Vallini, député socialiste de l’Isère et spécialiste des questions de justice (il a notamment co-présidé la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau).
Vous avez pris position en faveur de l’introduction des jurys populaires en correctionnelle.
Oui. On confie aux citoyens le soin de traiter des cas les plus graves aux Assises, je ne vois pas pourquoi cela nous choquerait de leur soumettre des délits correctionnels. C’est le premier argument qui tient de la pure logique. Ensuite, il faut aller contre une idée reçue, un argument que Sarkozy met en avant: des jurys populaires en correctionnelle contrebalanceraient des juges sont trop laxistes. C’est faux : on constate que généralement, les citoyens qui siègent dans des jurys d’Assises sont plus cléments que les magistrats professionnels. Ils sont moins sévères parce que plus ouverts sur la société. Bien sûr, ils s’identifient souvent aux victimes, mais aussi aux coupables.
Des jurés plus cléments, êtes-vous bien sûr de ce que vous avancez là ?
Oui, sinon comment expliquer qu’au cours de l’histoire judiciaire, des magistrats qui n’étaient pas exactement progressistes n’aient eu de cesse de faire passer certains délits des Assises à la correctionnelle ? Cela a été le cas pour l’avortement avant la loi Veil sur l’IVG. Devant les Assises, des femmes jugées pour y avoir eu recours ou pour avoir pratiqué des avortements clandestins étaient acquittées. Les magistrats ont renvoyé ce délit devant les tribunaux correctionnels pour pouvoir appliquer la loi avec plus de rigueur.
Concrètement, on fait comment ?
Il faut marier les juges professionnels avec un ou deux citoyens assesseurs, avec une voix prépondérante pour le magistrat. Evidemment, les cas les plus graves, les appels ou la question de l’application des peines, des libérations conditionnelles ou les comparutions immédiates doivent échapper aux jurys populaires. Pour le reste, leur présence sera bénéfique : les gens qui doivent rendre la justice se rendent compte que c’est difficile, et assurent leur mission de façon quasi religieuse. La décision d’un jury populaire est rarement contestée. Au PS, nous ne devrions pas nous opposer à cette innovation, ce n’est pas parce que c’est Sarkozy qui la propose qu’elle est mauvaise. D’autant que la nécessité d’y recourir souligne l’échec du président de la République en matière de justice : il faut des moyens et de la répression. Mais pas seulement, ce n’est pas si simple. Nous ferions bien de nous en souvenir.
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