Humains surnuméraires


Humains surnuméraires

trisomie eugenisme papillon

Avec Éloge des phénomènes, Bruno Deniel-Laurent, ancien rédacteur en chef de la défunte revue Cancer !, signe un bref et percutant sur le traitement eugéniste de la trisomie 21 dans les sociétés démocratiques modernes. Revenant sur l’histoire du diagnostic et de la perception de l’« idiotie mongolienne», évoquant quelques lumineuses figures de trisomiques, l’auteur montre comment s’est mis place en France un programme d’élimination pure et simple des individus doués d’un chromosome surnuméraire (actuellement, 96 % des foetus dépistés sont avortés). [access capability= »lire_inedits »]

Plusieurs facteurs ont contribué à ce processus : le coût très élevé des soins à fournir au mongolien qu’on voudrait survivre ; le détournement des moyens qui pourraient être utilisés pour la suppression de la maladie vers la suppression du malade lui-même ; enfin, une pression sociale aux origines multiples, du médecin affirmant à la future mère qu’elle commet « l’erreur de sa vie » parce qu’elle désire garder l’enfant diagnostiqué trisomique aux inévitables quolibets des autres enfants, en passant par la famille ou le cercle amical.

BDL évite les écueils d’une démonstration empesée, d’une partialité sommaire ou d’un chantage sentimentaliste, mais surtout, il ouvre le débat vers des perspectives philosophiques fondamentales : le traitement de ces « phénomènes » révèle bien la progression d’une idéologie « transhumaniste», dont le but sera à terme de formater les humains par sélection et augmentation artificielles. Celle-ci va de pair avec un prométhéisme qui refuse toute limite et toute faille, saccageant la nature comme la dignité humaine pour réaliser son utopie technicienne. BDL n’y va pas par quatre chemins  ce projet, selon lui, résulte d’une transformation insidieuse du programme eugéniste des nazis. Certes, il n’est plus question d’un politique : supprimer les faibles est devenu un droit démocratique. On décide quelle vie mérite ou non d’être vécue. Et l’auteur compare avec une ironie mordante les poèmes femme trisomique aux oeuvres de Grand Corps Malade, chevalier des Arts et des Lettres, ou la bêtise connectée d’un ado « normal » hypnotisé par son iPhone avec l’hommage enfantin et permanent que son frère mongolien rend à la Création. [/access]

Eloge des phénomènes, Bruno Deniel-Laurent, Max Milo, 2014.

*Photo: APTOPIX Texas Daily Life. AP21211153_000002

Avril 2014 #12

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste littéraire et co-animateur du Cercle Cosaque

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