Qui a dit que l’union nationale, cela n’existait pas ? Toute la journée de mercredi, le PS et Les Républicains se renvoyaient le mistigri de la responsabilité à propos de la révision constitutionnelle. Effectivement le discours du 16 novembre dernier prononcé par le président de la République à Versailles semblait bien loin lorsque, tour à tour, la droite sénatoriale, la gauche frondeuse et le chef de l’Etat lui-même ont été désignés comme les fossoyeurs de l’union nationale face au terrorisme.
Mais les apparences sont parfois trompeuses. En réalité, les deux plus grands partis (au sens de leurs représentations au Parlement) semblent très bien s’entendre quand il s’agit de défendre leurs intérêts communs. Le 24 mars dernier, dans un hémicycle quasiment vide, une proposition de loi destinée à « moderniser l’élection présidentielle » a été votée dans la plus grande discrétion. Ne comptez pas sur les télés et radios pour vous en parler. Ces dernières l’attendaient et parfois même la réclamaient. Il s’agissait notamment de supprimer l’égalité de parole entre les différents candidats dans les médias audiovisuels, pendant la période intermédiaire, qui court de l’officialisation des candidatures au Journal officiel jusqu’au début de la campagne officielle. Soit faire disparaître, d’un trait de plume, trois semaines d’égalité parfaite. Cinq semaines d’égalité de traitement sur les deux-cent-soixante qu’en compte un quinquennat, c’était trop ! Il n’en restera donc plus que deux !
Comme larrons en foire
Pour faire bon poids, les rares parlementaires présents ont ajouté quelques obstacles supplémentaires en rigidifiant encore le système des parrainages. Bref, PS, LR et médias audiovisuels se sont entendus comme larrons en foire pour faire passer la réforme comme une lettre à la poste. Il faut remarquer la discrétion de bluette du Front national qui, en d’autres temps, aurait hurlé à l’attentat contre lui. Le FN profitera de cette réforme qui permettra aux médias audiovisuels de donner des temps de parole conforme au poids estimé dans l’opinion et donc en fonction des sondages.
Revenons un instant sur la position des télés et radios qui se plaignaient de l’égalité entre les candidats. Comme nous leur faisions remarquer cette mauvaise volonté, ils nous renvoyaient à la figure l’argument selon lequel la presse écrite n’était pas soumise aux mêmes exigences d’égalité. Sauf qu’ils oublient que les ondes, contrairement au papier que l’on vend, appartiennent à tout le monde. C’est en vertu de ce constat que les fréquences des radios et des télévisions sont attribuées par la puissance publique, le gouvernement avant 1981, et les instances indépendantes chargées par le législateur ensuite (Haute-autorité, puis CNCL puis CSA). Les médias audiovisuels français bénéficient en fait d’une concession de service public avec les obligations qui en découlent, ce qui n’est pas le cas d’un journal. Quant aux trois plus grands partis d’aujourd’hui, PS, LR et le FN leur meilleur ennemi, ils espèrent faire taire toute concurrence, entre Front de gauche et Debout la France en passant par les écolos, le MRC, l’UDI et le MoDem, qui pourraient bien allier leurs forces afin de contester ce qu’il faut bien appeler un recul de la démocratie. Tu pèses 2% dans les sondages ? Tu resteras donc à 2% de temps de parole et ainsi tu resteras à tes 2% dans les sondages qui deviendront peut-être 2% dans les urnes. Petit tu es, petit tu resteras !
Mais ce n’est pas tout ! A l’intérieur même de l’un des deux grands partis, on aime aussi verrouiller les élections afin que des importuns ne viennent pas troubler le jeu des favoris : ainsi cette semaine, le bureau politique de LR a adopté une « précision » dans le règlement de la primaire de la droite et du centre. Alors que NKM avait laissé filtrer qu’elle comptait éventuellement bénéficier de parrainages écologistes afin de valider sa candidature, respectant le règlement qui ne l’interdisait pas, tout le ban et l’arrière-ban des Républicains s’est dépêché de modifier le texte en catastrophe. En fait, il était tout à fait logique que la primaire soit calquée sur l’élection présidentielle. Dans cet esprit, les parrainages constituent un filtre qui évite les candidatures fantaisistes, mais ne signifient en aucun cas une marque de soutien politique. Le Bureau politique en a donc décidé autrement. Comme l’a bien noté Henri Guaino, la promesse de la primaire — faire de ce moment une affaire de citoyens et non une affaire de partis — n’est donc pas tenue, bien au contraire.
Moralité : on s’entend donc beaucoup moins aisément sur une révision constitutionnelle alors que notre pays connaît des heures graves que pour tripatouiller les textes électoraux un an voire quelques mois avant les échéances. Le vote est un devoir, et s’abstenir, c’est mal, qu’ils disaient !
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