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Viva Tricatel! (13/3)


Viva Tricatel! (13/3)

>>> Retrouvez ici le premier et le deuxième volet de cet article.

M comme Musée imaginaire. Le grand public connaît rarement le nom des musiciens de l’ombre, arrangeurs, producteurs, tels que George Martin le cinquième Beatles, ou Tony Visconti le double de Bowie, ou encore Phil Spector… La plupart sont ignorés. C’est pour rendre hommage à ces soutiers du son, et faire revivre leur musique que Tricatel a lancé une collection fugitive « Le musée imaginaire » (en référence à Malraux), qui a permis de rendre hommage à André Popp (1924-2014) et David Whitaker (1931-2012). Nous devons au premier le conte musical pédagogique Piccolo, Saxo et Compagnie, des tubes délicieusement datés tels que L’amour est bleu (mais quel titre !), des arrangements pour Greco, Marie Laforêt, Petula Clark ; nous devons au second une foule de musiques de films, et des arrangements de chansons des Rolling Stones dans les sixties (dont la célébrissime The Last Time…) Les deux albums exhument des raretés inestimables dont, de Popp, les morceaux presque comiques Chasseurs sachez danser (avec force trompes !) et L’homme invisible….  et de Whithaker des arrangements pour France Gall et Marianne Faithflull… Un festin de gourmet, certes, des disques pour mélomanes collectionneurs, certes, mais quel pied ! Espérons que la série Musée imaginaire connaisse un jour un prolongement…

N comme Notes de pochette. Pour accompagner cet anniversaire des 20 ans, le label sort un très intéressant petit carnet de portraits titré Notes de pochettes. Sous la forme d’une vingtaine de rencontres avec les artisans qui œuvrent dans les coulisses de Tricatel (auteurs, musiciens, producteurs, illustrateurs, réalisateurs, label manager, etc.), Pierre Jouan livre une sorte d’enquête piquante sur la « Fabrique du disque », dans le grand chaudron musical contemporain, bref sur la vie quotidienne d’un petit label… L’écrivain Elizabeth Barillé y est décrite comme une « Diogène en talons aiguilles », mêlant sophistication et sauvagerie ; l’auteur Matthias Debureaux est croqué en quelques phrases : « Il m’apparaissait comme l’exact contraire de celui qui parle fort au restaurant. Du genre à raser les murs. A chérir les angles… » ; voici l’enfance du guitariste Stéphane Salvi : « La guitare s’apprend allongé, de préférence sur le lit d’une adolescence désœuvrée. C’est fait pour se chanter des berceuses en fixant le plafond, quand on baigne dans le demi-coma des dimanches sans cinéma »… Au détour du portrait du bassiste David Forgione, le jeune Jouan résume en quelques mots l’esprit du label : « Sentimentaux, nous tombons d’accord sur une définition possible de Tricatel : une famille bizarre réunissant des pièces rapportées de toute part, charriant pêle-mêle couturiers, élus locaux et écrivains maudits. Non pas un “foyer clos” mais un faisceau sans milieu, qui s’élabore en s’éclatant vers l’extérieur et dans tous les sens, comme un aimant inversé. Le contraire de la consanguinité : un plan de table idéal, donnant parfois lieu à des rencontres difficiles, comme un exemplaire de La société du spectacle oublié au fond d’un sac à main Valentino. » Ces portraits incisifs sont accompagnés d’illustrations signées Stéphane Manel.

Voir aussi « L comme Littérature »

R comme RSVP. Autre excellente surprise de cet anniversaire l’album collectif RSVP, 47ème de Tricatel, réunissant certaine des plus grandes pointures du label (April March, Chassol, Jef Barbara, etc.) et présenté comme une « composition instantanée » et une « improvisation collective ». Dans les faits, Burgalat a réuni les musiciens en studio durant quelques jours pour une jam-session anniversaire, un bœuf dont la recette mi-pop mi-funky est délectable. Il en résulte onze chansons hétéroclites, dont se détachent le long et débridé  Funky Aria de Doug Hearm Blunt & Makeda Monnet, et la nostalgique et gentiment sentimentale Piscine dorée de Bertrand Burgalat, en étonnant crooner timide. Un très bel album, qui est aussi un passionnant exercice de style et finalement une sorte de réflexion, en acte, sur les mystères de l’inspiration…

Z comme (drôles de) Zigs. Alors nous y voilà. 20 ans. 20 ans… L’âge de raison pour Tricatel…. L’âge bête ? Génération Z ? Certainement pas… Que cet exercice en forme de « z » nous ramène aux tréfonds de l’abécédaire du big bang, du zig et du zag foutraque…  Et quid de Tricatel dans 20 ans ? Burgalat nous répond… « Il y a 10 ans nous avions fait une compilation, L’âge d’or de Tricatel, recensant les 10 premières années du label, comme si celles-ci représentaient son apogée. Mais j’ai l’impression que c’est aujourd’hui que nous vivons une forme d’âge d’or artistique, malgré les vicissitudes économiques et le fait que nos productions sont encore accueillies avec beaucoup d’indifférence au moment de leur sortie. C’est le bon côté d’avoir toujours évité de s’engouffrer dans les portes ouvertes. Nous le payons cher, mais nos disques vieillissent plutôt bien, ils sont généralement mieux compris avec le recul. La seule chose qui peut nous empêcher de progresser et d’avancer, en dehors de la conjoncture et des impondérables (mais j’aurai bientôt enterré tous les diabétologues qui m’en donnaient pour dix ans), c’est le découragement. Je réalise que toute ma vie je risque de devoir batailler pour le même genre de choses, essayer de trouver de l’argent, convaincre… Dans 20 ans j’aurai 73 ans, ah oui purée quand même, « le temps presse », pour citer des paroles magnifiques des Shades. »

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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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