Des centaines de militaires, de tous grades, ont co-signé une lettre ouverte aux représentants de la Nation, texte relayé depuis dans Valeurs Actuelles.
Ils y font part de leurs inquiétudes, que toute personne de bonne foi au fait de la situation du pays ne peut que partager. Ils affirment qu’ils sont disposés à servir la France aux côtés de tous les politiques qui, contre l’islamisme, contre ceux qui sèment la haine raciale, et à l’écoute du peuple, auront à cœur « d’appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà » car « il ne peut et ne doit exister aucune ville, aucun quartier où les lois de la République ne s’appliquent pas. »
Les réactions sont, pour le moins, contrastées. De la part du gouvernement, on notera hélas le contre-sens fait par Florence Parly. En effet, la ministre des Armées a affirmé que « deux principes immuables guident l’action des militaires vis-à-vis du politique : neutralité et loyauté. » C’est inexact : la loyauté des militaires ne peut aller qu’à la nation et au peuple souverain, et certainement pas au « politique », quel qu’il soit. On s’étonne un peu de devoir le rappeler à un gouvernement de la Cinquième République, fondée par un militaire en retraite, et qui d’ailleurs n’avait pas attendu la retraite pour s’exprimer contre l’autorité politique mais pour la France, un certain 18 juin.
On pourrait commenter d’avantage, mais que l’on me permette d’emprunter plutôt, sans rien leur ajouter, les mots de quelqu’un de bien plus grand que moi :
Je pense, avec Pascal, que le zèle est étrange « qui s’irrite contre ceux qui accusent des fautes publiques, et non pas contre ceux qui les commettent »… « Jamais les saints ne se sont tus », a-t-il encore écrit ailleurs. Ce n’est pas une devise pour la censure ! Elle n’en mérite pas moins d’être méditée par quiconque, sans prétendre, hélas ! à la sainteté, s’efforce simplement vers la modeste moralité de l’honnête homme.
Il lui faudra enfin, à ce peuple, se remettre à l’école de la vraie liberté d’esprit. « Il est bon qu’il y ait des hérétiques » : les milieux militaires n’étaient pas les seuls à avoir perdu de vue cette maxime de sagesse.
Nous savions. Et pourtant, paresseusement, lâchement, nous avons laissé faire. Nous avons craint le heurt de la foule, les sarcasmes de nos amis, l’incompréhensif mépris de nos maîtres. Nous n’avons pas osé être, sur la place publique, la voix qui crie, d’abord dans le désert, mais du moins, quel que soit le succès final, peut toujours se rendre la justice d’avoir crié sa foi. Nous avons préféré nous confiner dans la craintive quiétude de nos ateliers. Puissent nos cadets nous pardonner le sang qui est sur nos mains !
L’auteur de ces lignes ? Marc Bloch. Dans L’étrange défaite.
Je laisse chacun juger de la manière dont ses propos s’appliquent à notre temps.
Le regard libre d’Elisabeth Lévy
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