On a beaucoup écrit sur les « tribunes des militaires ». Encore tout récemment est paru un article du Monde qui entend dénoncer « l’emballement » et démontrer qu’il s’agissait d’une « opération politico-médiatique ». Philippe Bilger réagit à ce traitement médiatique qui ne fait que s’attaquer à la forme, sans jamais considérer un seul instant la réalité du fond.
Je me serais volontiers arrêté à mon billet de blog du 12 mai : « Entre le pouvoir ou les militaires, où est le courage ? » si on ne s’obstinait pas à consacrer l’essentiel de l’information à la forme plus qu’au fond, aux modalités d’élaboration et de publication de la dernière lettre ouverte des militaires d’active plus qu’à sa substance sur l’état de la France. À la paille plus qu’à la poutre. Pourtant j’avais l’impression d’avoir trouvé un bon sujet qui m’aurait conduit à m’interroger sur l’étrange propension de certaines de nos personnalités emblématiques, BHL ou J.M.G. Le Clézio par exemple, à fuir les difficultés et les drames français, l’un pour les conflits internationaux, l’autre pour le sort des Indiens Kunas par exemple. Je comprends bien que la motivation principale est d’échapper au jugement de ses concitoyens…
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Mais j’ai dû abandonner ce thème parce que Le Monde en particulier s’est livré sur une double page à une analyse très critique des « Tribunes des militaires : récit d’une opération très spéciale » et que les remettant dans l’actualité il contraignait à y revenir. L’une des faiblesses de notre conception de la liberté d’expression a été projetée en pleine lumière. Combien de fois, face à des écrits contestés ou à des paroles provocatrices, s’engouffre-t-on immédiatement dans la dénonciation plutôt que d’appréhender leur nature exacte ! On ne se demande pas s’ils sont vrais ou non, ce qui devrait être le seul critère valable, mais s’ils sont décents, acceptables ou non par rapport à une règle commune de bienséance fixée par des vigiles autoproclamés. Pour les tribunes des militaires, surtout la seconde, l’indifférence est la même. On néglige ce qui, dans le fond, suscite l’angoisse démocratique, l’adhésion citoyenne au tableau plus que préoccupant dressé de notre pays, la certitude que ce pessimisme global est justifié, que des parts de notre France sont hors de contrôle et que les forces de l’ordre sont dépassées, pour ne pas dire abandonnées. Et que la Justice n’est pas à la hauteur du défi lancé à notre société.
Selon « Le Monde », une « prétendue » menace islamiste
Je sais bien que Le Monde, évoquant LR, fait allusion à son combat contre le « prétendu » laxisme du président. Pourquoi prétendu ? Sur le même registre, pour contredire la « lâcheté » reprochée par les militaires, il souligne « la prétendue menace islamiste ». Pourquoi prétendue ? Alors que, sans se plonger dans des comptes d’apothicaire, la résonance de cette lettre si vilipendée par le pouvoir vient précisément de sa concordance avec le sentiment populaire dominant, qu’il s’agisse de l’intuition constamment vérifiée d’une France en déclin, en péril imminent, ou d’une réalité qui au quotidien inscrit ses malfaisances, ses délits, ses crimes, ses attaques à l’encontre des protecteurs naturels de la République et agressés à cause de cela.
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Prétendu, prétendue, alors, vraiment ? Pourquoi la plupart des médias font-ils la fine bouche, une mine presque dégoûtée face à la poutre accablante gangrenant et offensant, partout, notre France, en se régalant absurdement de la paille sans intérêt de la périphérie de la lettre ouverte ? Pourquoi refuse-t-on de regarder le réel en face ? Parce qu’il a été révélé par des militaires sortis de leur réserve ? Parce que, pour le pouvoir, se confronter à lui reviendrait à s’autoflageller ? Peut-être parce qu’il faut, tout simplement, trop de courage pour s’occuper de la poutre en négligeant la paille ? De l’état de la France plus que de l’écume.
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