Fer de lance du wokisme américain, le New York Times s’est donné pour mission d’attaquer la France et son universalisme républicain. Article après article, ses journalistes nous présentent la République française et une grande partie de sa population comme colonialistes, anti-immigrés et antimusulmans. Autrement dit, d’affreux racistes de manière systémique ! Cerise sur le gâteau, certains de ces textes sont désormais disponibles en français. Alors, autant aller voir…
Au mois de juin, une nouvelle pierre a été ajoutée à cet édifice idéologique. Un article peu subtil de Norimitsu Onishi, pourtant journaliste d’une très grande expérience, aujourd’hui correspondant parisien du New York Times, revient sur l’affaire de Trappes, ou plutôt l’affaire la plus récente, déclenchée autour de Didier Lemaire au mois de février. L’article réduit cette histoire à un bras de fer entre deux hommes, presque deux archétypes, le « professeur » et le « maire », autrement dit, le professeur de philosophie Didier Lemaire, et l’édile de la ville, Ali Rabeh. Le plus grave est que le potentiel dramatique de cet affrontement est exploité de manière manichéenne pour créer deux oppositions. La première est celle entre un « méchant », le Blanc peu crédible, et un « gentil », le fils d’immigrés héroïque. La deuxième est celle entre deux Républiques : l’une, officielle, qui, sous couvert d’universalisme, opprime ses propres citoyens issus de l’immigration ; et l’autre celle qu’incarnent ces mêmes citoyens opprimés et qui œuvre à la création d’un paradis multiculturel dont Trappes est la préfiguration.
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La République des méchants
On apprend très tôt dans l’article que Didier Lemaire est quelqu’un de peu fiable car, peu de temps après ses premières déclarations en février, sa « version initiale de l’histoire a commencé à prendre l’eau. » Par conséquent, après une semaine d’affrontements médiatiques entre lui et M. Rabeh, « les choses […] semblent tourner en faveur du maire. » Qu’est-ce qui permet ainsi de déclarer le maire vainqueur face au professeur ? « La version de l’enseignant s’est mise à vaciller » quand le préfet a démenti qu’il avait été « placé sous protection policière. » Or, nous savons que, depuis la tribune publiée par Didier Lemaire dans l’Obs du 1 novembre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre, la police avait mis en place un dispositif préventif, sous forme de patrouilles devant la résidence de M. Lemaire et son lycée pour surveiller ses allées et venues. Cette forme de protection policière aurait été levée le 27 janvier, c’est vrai, mais le professeur a apparemment été informé par téléphone ce jour-là que finalement les patrouilles seraient maintenues, la raison en étant la diffusion le 22 janvier d’un documentaire néerlandais sur Trappes au cours duquel Didier Lemaire et Ali Rabeh sont interviewés. Conclusion : Didier Lemaire n’a rien d’un mythomane. La menace est considérée comme suffisamment crédible par les autorités pour que Gérald Darmanin, le 11 février, propose au professeur une protection rapprochée.
À part cette désinvolture vis-à-vis des faits, le New York Times utilise un autre procédé pour discréditer Didier Lemaire, la culpabilité par association, car les appuis qu’il a reçus ne sont pas les bons. D’abord, celui d’« une grande partie de la classe politique française », c’est-à-dire de la République officielle, la mauvaise, celle que le New York Times se complait à vilipender. Notamment, Valérie Pécresse qui a tweeté son soutien au professeur et à tous ses collègues. Dans l’article, elle ne mérite pas d’être nommée et est désignée comme « la présidente de droite de la région Île-de-France, qui a des vues sur l’Élysée. » On comprend : son soutien est orienté parce qu’elle est de droite et opportuniste. Celle qui mérite d’être nommé est Marine Le Pen, car son nom est en lui-même un épouvantail. Quand on a l’appui de « la figure de proue de l’extrême droite », on est forcément dans le mauvais camp. D’ailleurs, on apprend que c’est juste avant son débat télévisé avec Marine Le Pen que M. Darmanin a annoncé une protection rapprochée pour le professeur : encore un opportuniste qui veut montrer qu’il est aussi antimusulman que l’extrême droite, forcément. Une « grande partie de la classe politique française » ne serait-elle pas secrètement d’extrême droite ?
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L’article aborde aussi le fameux épisode des tracts : le ministre de l’Éducation et l’Académie ont dénoncé le maire de Trappes pour être entré à l’intérieur de l’établissement, lors d’une distribution de tracts devant le lycée de Didier Lemaire. Le New York Times cite de manière inconditionnelle les dires de certains élus locaux niant que le maire ait distribué des tracts à l’intérieur de l’école. Or, les choses ne sont pas du tout aussi simples que le voudrait le journal américain : le maire lui-même admet qu’il est bien entré dans le lycée, selon lui pour discuter avec les élèves et apporter des croissants. Quoi de plus innocent que l’autopromotion par les viennoiseries ?
La République des gentils multi-culti
Se dressant devant le professeur peu fiable soutenu par des méchants, on trouve un maire héroïque appartenant à une génération qui, à la différence de ses parents qui auraient fait preuve d’une humilité excessive, « n’hésite pas à assumer ouvertement son identité et à pointer du doigt les manquements de la France. » Autrement dit, selon le New York Times, Ali Rabeh est quelqu’un qui a la bonne attitude dans la vie. Toutes les personnes citées dans l’article lui sont d’ailleurs favorables : de la fondatrice d’une association qui aide les familles ayant des enfants djihadistes partis en Syrie au président de l’Union des Musulmans de Trappes, en passant par le politologue et écrivain franco-maroccain Rachid Benzine. Selon un de ces témoins cités par le journal américain, le maire n’a raconté que la vérité, « mais c’est un Arabe, ça dérange. » La logique implicite est la suivante : c’est un Arabe (en réalité, Ali Rabeh est un citoyen français), on ne le croit pas ; on ne le croit pas, donc il dit la vérité ; il dit la vérité, donc le professeur raconte des mensonges. Le fait qu’il puisse y avoir d’autres points de vue sur Trappes n’est pas pris en considération ici. Pourtant, ces points de vue existent, même si certaines personnes n’osent s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat.
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Le Times esquisse un véritable story-telling pour promouvoir M. Rabeh comme apôtre d’une autre République. Au début de sa carrière politique, il aurait joué le jeu, gobant naïvement le discours traditionnel de l’État français : « Il est devenu un fervent républicain, croyant en la promesse universaliste. » Maintenant, depuis les réprimandes gouvernementales dont il a été l’objet, il est désabusé : « Un instant pendant la crise, je me suis dit, bon, si c’est ça la République, j’abandonne la République, comme elle m’abandonne, confie-t-il. Mais la vérité, c’est que c’est pas eux la République. C’est les gamins de Trappes, la République. » Le sens de cette affirmation assez sotte est on ne peut plus clair : Trappes, présenté dans l’article comme un pays de cocagne multiculturel, est l’avenir de la France qui appartient au maire progressiste plutôt qu’au professeur réactionnaire ! Gardons-nous bien de réserver le même traitement biaisé pour M. Rabeh que celui du Times pour M. Lemaire. Si le journal américain, quatre mois après les affrontements de février, ressasse la même vision résolument manichéenne de l’affaire, c’est uniquement pour relancer sa campagne contre la France.