Quoiqu’on puisse en dire, le vote massif pour le projet d’autonomie de la région de Donbass consacre l’influence russe sur les terres de l’est de l’Ukraine tandis que l’Europe n’est plus du tout à l’ordre du jour côté Kiev. Ce schéma bipartite risque de se répéter sur l’échiquier moldave.
Les géopoliticiens se demandaient quel serait le prochain « coup » de Vladimir Poutine. Déjà, fin mars, Philip Breedlove, commandant des forces de l’Alliance atlantique en Europe prévenait que la prochaine « cible » russe, après la Crimée, pourrait être la Transnistrie. Les diplomates européens, prenant part aux pronostics, supputaient que le président russe tenterait prochainement de tracer une ceinture de sécurité entre Odessa et Tiraspol, capitale de la Transnistrie. Une chose est en tout cas certaine : Tiraspol tend les mains vers Moscou.
Rappelons que la Transnistrie est un pays autonome de facto, séparé de la Moldavie depuis 1992, mais non reconnu internationalement. Étroite bande de terre coincée entre l’Ukraine, sur son flanc est, et la Moldavie, sur son flanc ouest, elle affirme son identité malgré tout. La Transnistrie a sa propre monnaie (le rouble de Transnistrie), son hymne, son Soviet suprême, son drapeau avec faucille et marteau. Langue officielle et législation y sont empruntées aux russes, tout comme la culture du pays encore marquée par les années de communisme.
Entaché par de sombres histoires de trafics, le pays est finalement plus riche, car arrosé par la manne russe, que son voisin moldave. Au risque de paraître cruel, le reporter Michael Lambert souligne la supériorité économique de la Transnistrie sur son grand frère : « Les rues y sont propres, les bâtiments en « bon » état et la population ne semble pas mourir de faim. »
Le 18 mars, deux jours après l’annexion de la Crimée, le parlement de Transnistrie a formulé, auprès des autorités russes, une demande de rattachement. Pas de réponse officielle mais on peut y voir une nouvelle consécration du rayonnement russe.
À l’inverse, la Moldavie, comme le gouvernement ukrainien, s’est tournée vers l’ouest et caresse même l’espoir d’une intégration européenne. De fait, depuis le 28 avril, les citoyens moldaves titulaires d’un passeport biométrique peuvent circuler sans visa dans l’espace Schengen, pour une durée de trois mois. Une façon de retenir l’attention de la population vers l’Occident, en attendant l’accord d’association et de libre échange ?
Peut-être, mais cela ne suffira pas car le peuple moldave se désintéresse peu à peu de la « grâce » européenne. L’attrait pour l’UE s’est affaiblie avant même que n’explose la crise ukrainienne. Une des raisons vient sans doute de la perspective des efforts titanesques qui restent à faire avant d’atteindre le Graal européen. Le pays n’a pas les moyens d’assurer la modernisation de ses infrastructures, d’autant plus qu’il ne dispose, contrairement aux autres pays de la CEI, d’aucunes ressources fossiles. D’après Michael Lambert, « c’est probablement la raison pour laquelle la chute du communisme, du moins sur le plan économique, laisse un vide dans la vie de nombreux habitants. » Les élections législatives, qui auront lieu cette année, risquent ainsi de voir le retour du parti communiste pro-russe, évincé du pouvoir en 2009.
C’est ce que laisse présager une enquête moldave : le parti communiste PCRM deviendrait majoritaire avec 30, 1% des voix devant le parti pro-européen LDP qui n’atteindrait que 17,5% des voix. Décidément, la machinerie européenne, lourde et contraignante, ne convainc pas davantage ses futurs adhérents que ses actuels membres.
*Photo: WATTRELOT MARC/SIPA.00522437_000017
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