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Transition de genre: souffrance des enfants, détresse des parents

"Tout refus de céder à une exigence entraînait une crise et l’accusation tombait: transphobie"


Transition de genre: souffrance des enfants, détresse des parents
La "Trans+Pride", Londres, 8 juillet 2023. ©SOPA Images/Sipa

Les parents sont bien seuls face au mal-être existentiel, voire aux troubles psychologiques de leur enfant en transition de genre. Le système qui privilégie l’accompagnement des adolescents dans leur démarche ne fait qu’encourager leur « radicalisation » et les isole davantage de leur famille. Témoignages.


Coralie et Myriam[1] appartiennent à Ypomoni, une association regroupant des parents d’enfants en transition. Au-delà des difficultés liées à l’accompagnement d’un enfant – même adulte – vivant un processus complexe et douloureux, ces parents ont un autre combat à mener : maintenir le lien avec leurs enfants. Car ils se heurtent à une sorte de « radicalisation », tellement brutale qu’elle aboutit le plus souvent à une rupture, les enfants en transition rejetant leurs parents avec leur ancien genre.

Diagnostic très rapidement posé

Pour Coralie, le basculement s’est produit alors que son fils était mineur et entrait en première. Le fils de Myriam était quant à lui âgé d’une trentaine d’années lorsqu’il lui a annoncé sa transition. Toutes deux ont été étonnées de découvrir que leur histoire et celles des autres parents d’Ypomoni présentaient de singulières récurrences : brutalité de l’annonce, rapidité de la rupture familiale et similarité des profils de la grande majorité des enfants concernés. Plus intelligents que la moyenne mais aussi plus fragiles, leur transgenrisme est souvent accompagné d’interrogations au niveau de leur sexualité (cas d’homophobie intériorisé) et/ou de traits autistiques, de problèmes psychologiques, de tendance dépressive, voire de pathologies mentales.

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Coralie raconte ainsi qu’en trois mois, son fils, très complexé par son physique, a développé une fascination pour les drag-queens et s’est mis à porter perruques et talons. Elle lui a demandé s’il était homosexuel, en lui disant que cela ne posait pas de problème. Il n’a jamais répondu. Comme elle le trouvait mal dans sa peau, elle l’a amené consulter. Le diagnostic de transidentité a été très rapidement posé et toute idée de thérapie a été alors rejetée, puisque le seul problème du jeune homme se résumait à la transphobie de la société. Tout refus de céder à une exigence de l’enfant entraînait une crise et l’accusation tombait : transphobie ! Comme souvent, la communauté éducative ainsi que les professionnels de la santé mentale ont laissé cette mère seule, préférant « accompagner le choix » de l’adolescent, pourtant visiblement en détresse.

Achats compulsifs

Le dialogue rompu, Coralie a dû laisser la garde du jeune homme à son père. Lequel n’a pas réussi à cohabiter avec son fils, dont les symptômes de dépression s’accentuaient. Devenu majeur, ce dernier s’est installé loin de sa famille. Les photos de sa nouvelle vie postées sur les réseaux sociaux ont inquiété Coralie. Elle est allée le voir et l’a trouvé sale, sous-alimenté, isolé, vivant dans un appartement envahi de déchets où s’accumulaient des sacs entiers de vêtements, fruits d’achats compulsifs. Mais alors qu’elle tentait de renouer le contact, elle a été appelée au téléphone par un « ami » de son fils qui lui intimait de cesser son « harcèlement », la menaçant d’appeler la police. Depuis, le jeune homme a été placé en ALD (affection longue durée[2]) pour son transitionnement, a effectué une opération de chirurgie faciale pour se féminiser et se fournit en hormones sur internet. Une partie de la famille de Coralie, qui la rendait responsable de la rupture, s’est alors rendu compte que la transidentité ne se résumait pas à porter des couettes et à s’habiller en jupe. Aujourd’hui, Coralie s’inquiète des choix irréversibles de ce jeune homme en souffrance, qui croit trouver une nouvelle vie et la résolution de tout son mal-être dans la chirurgie et la prise d’hormones.

Discours stéréotypé, références identiques

Pour Myriam, la rupture a aussi été brutale. Après l’annonce de son fils, elle aussi a essayé de dialoguer, de se faire aider par des psychologues, de proposer une thérapie familiale. Elle évoque un fils aussi brillant que fragile, présentant des traits autistiques. Le décès tragique d’un frère, la révélation d’une maladie mentale du père, l’indisponibilité de sa mère accaparée par les difficultés familiales ont empêché le jeune homme de faire son deuil. Proche de sa mère, il nourrissait un profond ressentiment contre son père. C’est dans ce contexte difficile que la question de son identité a fait surface. Et là aussi, l’annonce de la transidentité s’est faite dans la violence et la rupture. De plus, ce jeune homme, terrorisé à l’idée d’hériter de la maladie mentale de son père, avait toujours refusé d’être condamné à prendre à vie des médicaments. Elle ne comprend pas qu’aujourd’hui il ingère si facilement des hormones.

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Chez les membres d’Ypomoni, ce schéma est très commun. Ces parents dénoncent une forme d’emprise qu’ils constatent sur leurs enfants : un discours stéréotypé, des références identiques. Le chantage au suicide comme moyen d’exiger un soutien total est rituel. Toute contrariété est prise pour une violence et la rupture familiale est souvent encouragée par l’intégration rapide à une « famille » militante. Myriam raconte qu’elle a ressenti de l’empathie pour ces parents, dont les enfants se sont radicalisés et ont rejoint la Syrie, car elle a le sentiment de vivre un processus similaire et d’être aussi impuissante qu’eux.

Nombre de familles ont le sentiment d’être désavouées par les pouvoirs publics. Ceux-ci paraissent considérer que la transidentité ne peut être qu’une démarche positive. Les inquiétudes des parents sont négligées, car vues comme une volonté de contrôler leur enfant. « J’aurais aimé que l’on reconnaisse davantage la transition comme un symptôme, ou une sorte d’effacement de soi ; un moyen de gérer les traumatismes et les difficultés de santé mentale, plutôt que comme un remède à ces dernières », explique une personne qui a choisi de détransitionner[3]. À entendre le témoignage de ces mères, on comprend que cette sage position est ignorée par les institutions et peu défendue par le corps médical, pour le plus grand malheur des adolescents les plus fragiles.

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[1] Les prénoms ont été changés.

[2] Dispositif concernant des personnes atteintes d’une maladie dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessite un traitement prolongé et particulièrement coûteux.

[3] « La détransition de genre », post-trans.com.

Octobre 2023 – Causeur #116

Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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