Les « transabled » sont des personnes convaincues qu’elles devraient être invalides et qu’une partie de leur corps ne leur appartient pas. Analyse d’un nouveau phénomène.
Vous avez le sentiment que le corps dans lequel vous êtes né n’est pas celui que vous auriez dû avoir ? Ce phénomène constitue le fondement de ce qu’on appelle la dysphorie de genre, ce trouble qui incite adolescents et adultes à faire modifier radicalement leur anatomie par la chimie ou la chirurgie. Maintenant, après les transgenres, place aux « transabled » (comme on dit en anglais par analogie avec disabled, « handicapé »). Ces personnes souffrent de ce qu’on appelle le « trouble identitaire de l’intégrité corporelle », en anglais la « Body Integrity Dysphoria ». Elles sont convaincues qu’elles devraient être invalides et qu’une partie de leur corps ne leur appartient pas. Du Canada à l’Australie, de l’Écosse au Japon, le monde médical découvre de plus en plus de cas de ce trouble, probablement d’origine neurologique. D’ici un an, il fera son entrée dans la « Classification internationale des maladies » publiée par l’OMS. Les « transabled » ressentent un besoin insistant de devenir aveugles, manchots ou unijambistes. Ils ont recours à des prothèses et béquilles pour convaincre les autres et se convaincre eux-mêmes qu’ils sont handicapés. En 1997 et 1999, un chirurgien écossais a même vraiment amputé d’une jambe un Anglais, puis un Allemand. Depuis, les autorités hospitalières ont interdit de telles interventions. D’autres malades tentent de se mutiler pour obliger un chirurgien à intervenir. En 2009, l’Australien David Openshaw a trempé une de ses jambes dans de la neige carbonique : devenu septique, le membre a dû être amputé. Les « transabled » se comparent aux handicapés et aux transgenres, mais rencontrent une grande résistance de leur part. Aux yeux des handicapés, ils accaparent des ressources et idéalisent la dure réalité de la vie d’invalide. Les transgenres qui ne veulent pas être considérés comme des malades rejettent l’association avec cette nouvelle pathologie. Le vivre-ensemble entre minorités peut parfois se révéler dysphorique.