Un sondage récent indiquait que si on devait revoter pour le traité de Maëstricht aujourd’hui, 64% des Français voteraient non. Indiquons donc à ces 64% qu’il y aura une session de rattrapage ce dimanche 30 septembre, à l’initiative du Front de Gauche et d’une trentaine d’organisations politiques et syndicales.
Et on peut parier que Carlos Ghosn, pédégé de Renault, ne sera pas dans ce cortège parisien, à partir de 13h30, contre le TSCG autrement appelé le traité budgétaire. On peut l’excuser pour plusieurs raisons. Pour commencer, il est très occupé par le salon de l’automobile qui commence ce samedi 29 septembre. C’est en effet l’occasion pour lui de faire des déclarations choc, qui ressemblent à des déclarations de guerre. Il a élégamment mais efficacement expliqué au gouvernement Hollande que soit on faisait comme il disait, soit il allait mettre la clef sous la porte. Il exige « un plan d’action » pour la survie de son entreprise, estimant que « sous sa forme actuelle », celle-ci pourrait disparaître. Il continue, toujours en douceur : « Ce dont on a besoin, ce n’est pas une étude supplémentaire. On a besoin d’un plan d’action. Je ne connais aucune entreprise qui soit viable, qui puisse prospérer à partir d’une base qui ne soit pas compétitive ». Et, si par hasard on n’avait pas compris, il précise que Renault est « en train de renforcer les lignes de production qui produisent à l’export. Et on est en train de dégraisser les lignes de production qui produisent pour la France. » Si vous voulez une traduction plus précise, cela signifie que le travailleur français est trop cher. Qu’il se rassure, il a de fortes chances d’être entendu. Le gouvernement de François Hollande, si Carlos Ghosn et ses semblables expliquent que la seule solution pour maintenir l’emploi industriel en France, c’est de réduire le salarié en esclavage, sera là et bien là pour négocier fermement le poids des chaînes.
Mais Carlos Ghosn a une autre excuse pour ne pas aller manifester le 30 septembre, c’est qu’il n’a pas dû en entendre parler. On a parlé de tout ces derniers jours, des Roms, de Charlie Hebdo, du mariage gay, du budget, de Marseille qui finit par ressembler à Naples, de la fashion week, mais assez peu, pour ne pas dire pas du tout de ce fameux TSCG qui va nous faire tranquillement changer de civilisation alors qu’il est dans le meilleur des cas, quand on daigne en parler (un tout petit peu) présenté comme quelque chose de purement technique, un peu trop compliqué pour le profane. Entre le silence médiatique et le mépris discret des spécialistes, tout cela nous rappelle furieusement le contexte de 2005 et le vote pour le TCE qui devait être une formalité pour les européistes avant leur humiliation par les urnes avec un non à 55%. Seulement, il y a aujourd’hui des différences. Chirac, malgré tous ces défauts, était encore un peu inscrit dans l’Histoire et avait une certaine idée de la France, ou en tout cas la voyait autrement que sous la forme d’une vague entité administrative chargée de donner un cadre légal à la concurrence libre et non faussée.
En 2012, on n’en est plus là. La manifestation du 30 n’est même pas là pour appeler à voter Non mais simplement pour demander que soit tenu un referendum. Le silence sidéral des médias est d’autant plus fort que du côté du gouvernement, deux ministres concernés au premier chef, le ministe des affaires étrangère Fabius et celui des affaires européennes Bernard Cazeneuve étaient des partisans du non en 2005. Bon, ils sont juste un peu moins ridicules que Cécile Duflot qui aime tellement son maroquin qu’elle est capable de déployer des trésors de casuistique, à faire pâlir d’envie un confesseur jésuite, pour expliquer que ce n’est pas parce que son parti à décider de ne pas voter ce traité au parlement qu’elle est tenue par cette décision et que d’ailleurs ce n’est même pas son affaire.
Plus gênant encore, à propos de ce traité, c’est qu’il est approuvé et sera voté au parlement et par la droite et par les socialistes, ce en quoi nous devenons vraiment européens puisque les différences idéologiques s’estompent au point que l’on puisse très bien imaginer chez nous comme ailleurs des gouvernements d’ « union nationale » qui seront sûrement d’union mais certainement pas « national ». A propos de national, le Front du même nom, pourtant si prompt en campagne électorale à défendre la France éternelle, semble curieusement regarder ailleurs avec une patronne qui préfère des déclarations fracassantes sur la laïcité en demandant carrément l’interdiction du voile dans la rue (ouais !) mais aussi de la kippa (euh…).
Il y aurait bien les copains de Debout la République mais le problème est que ni la qualité de leurs idées, ni celle des hommes qui les défendent ne compensent la faiblesse de leurs effectifs.
Alors qui va s’y coller ? Je vous le donne en mille : le Front de Gauche. Oui, ce mouvement dont on n’a eu de cesse d’expliquer qu’il était immigrationniste, multiculturaliste, bobolchévique, c’est lui qui se retrouve en première ligne ce dimanche pour défendre l’indépendance de la France et l’Europe sociale. Comme quoi, il n’y a pas d’amour mais seulement des preuves d’amour. On rappellera, pour mémoire, que le TSCG, c’est une austérité grandissante avec des dépenses publiques limitées au maximum dans le but de plafonner les déficits publics à 0, 5% (dis maman, l’école, l’hôpital, la sécu, c’est du déficit ou de l’investissement pour l’avenir ?) et c’est aussi une perte de souveraineté objective puisque c’est la Commission européenne, instance non élue, qui validera le budget de la France.
Alors, le 30 septembre, dimanche, on se comptera. Et pour ceux qui auraient des réticences à défiler au côté de bannière communiste, on ne pourra que chanter :
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
*Photo : JeanFdG.
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