Samedi 19 mars, le collectif « Bretagne contre les fermes usines » a mené une action de blocage d’un train pour dénoncer l’agro-industrie. Le train, qui transportait des céréales destinées au bétail, a été immobilisé puis une partie de sa cargaison de blé déversée sur la voie, près de Pontivy dans le Morbihan. L’action de ces militants qui prétendent alerter sur les problèmes liés au « système d’élevage hors-sol » a été condamnée par la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles et la chambre régionale d’agriculture en raison du gaspillage alimentaire et du lourd préjudice financier que cela représente. Plusieurs plaintes ont été déposées et le parquet de Lorient a ouvert une enquête.
Au nom de la protection de la planète, de plus en plus d’écologistes radicaux gâchent le bon grain pour l’ivresse de la violence. C’est labourages et pâturages qui trinquent et la paysannerie qui disparaît. Causeur a déjà évoqué les néo-ruraux qui pestent en justice parce que les bruits et les odeurs des animaux les insupportent [1]. Une autre catégorie d’insupportables leur dispute la palme de l’égocentrisme : ce sont les militants hors sol qui s’en prennent à l’agriculture.
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En Bretagne, quelques-uns se sont agglomérés dans un collectif appelé « Bretagne contre les fermes usines ». Pour faire mettre la clef sous la porte aux fermiers et les obliger à aller travailler en usine ?
La méthode du trainjacking
Dernier avatar de ces ravis de la dèche, le transfert de technologie du carjacking au transport ferroviaire. Le carjacking, c’est un vol de véhicule par des malfaiteurs qui usent de violence et/ou de menaces.
Pour leur trainjacking, les éco-militants ont barré la voie ferrée avec un muret en parpaings. Une fois le convoi immobilisé, ils ont déversé sa cargaison de céréales sur la voie et ont pris la fuite.
Un contexte international qui aggrave déjà la situation
On peut difficilement envisager pire timing, ce 19 mars 2022, alors que « l’ONU redoute un ouragan de famines et des émeutes de la faim, conséquences du conflit russo-ukrainien [2] ».
Il y a quand même un aspect cocasse dans l’activisme de ces pieds-nickelés : leur attaque céréalo-raciste s’est trompée d’ennemi. Ils ont pris pour du soja 1500 tonnes de blé qu’ils ont répandues à grand renfort de ratiocinations écolo-dogmatiques.
Il y en a pour pas mal de blé, justement : deux millions d’euros. Mais quand on a la haine, on ne compte pas. « Nous nous battrons pour qu’éclose une véritable agriculture nourricière, joyeuse et vivante », ont écrit les émeutiers, dévoilant ainsi leur motivation première : un plaisir infantile.
Cet épisode ridicule en dit long sur le dysfonctionnement de notre société. Il dépasse le vide narcissique des jeunes bourgeois des villes et des dogmatiques exaltés des champs. Se dire écolo et s’avérer incapable de distinguer le blé du soja, cela questionne sur l’orientation professionnelle des militants. Car militant est devenu une profession et les ONG sont des entreprises comme les autres, soumises à la loi du marché et à la rivalité avec de multiples bienfaisances concurrentes.
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, mais l’énoncé du fonds de commerce spécifique de « Bretagne contre les fermes usines », est tout sauf clair. Ce collectif cultive le flou entre l’action « Le système d’élevage hors-sol va droit dans le mur, nous devons mettre l’agro-industrie à terre » et le symbolisme du « lien au sol à recréer dans notre agriculture. » Les céréales dont il a débarrassé le convoi étaient destinées à fabriquer de la nourriture animale. Si ces écolos-là subissent des représailles d’anti-spécistes, lesquels seront choisis comme bourreaux par le narratif médiatique, et lesquels seront les victimes ?
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Par ailleurs, avant de la disperser dans la nature, les symbolisto-activistes ont-ils vérifié que cette variété était garantie sans OGM ? Une ONG écolo qui balance des OGM pour lutter contre l’agro-industrie, ça ferait désordre et ça lui vaudrait l’inimitié des ONG anti-OGM, qui sont légion. Intéressante perspective.
Quand ils ont compris que le blé était une victime collatérale tombée au champ de leur déshonneur, les Bretons anti-fermes usines sont restés droits dans leurs Birkenstock et ont foncé dans le mur de la justification. Ils ont légitimé, a posteriori, leur mauvaise action avec hauteur : « Qu’importe, on a décidé de frapper fort pour dénoncer l’agro-industrie, un système qui piège les agriculteurs et pollue la planète. » Tant pis pour les agriculteurs qu’ils ont piégés, tant pis pour la nature qu’ils ont gaspillée, tant pis pour notre QI qu’ils ont pollué : ils se sont bien amusés.
[1] https://www.causeur.fr/vincent-verschuere-neo-ruraux-proces-saint-aubin-en-bray-226669
[2] Communiqué de la FRSEA (Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles), la chambre régionale d’agriculture, le Crédit Agricole et Groupama – www.ouest-france.fr/bretagne/centre-bretagne-des-activistes-bloquent-et-vident-un-train-de-cereales-pres-d-une-usine-sanders-4956d89e-a767-11ec-95bd-846f9f6707ea