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Tout le monde il est beau, tout le monde il est Schnock


Il n’est pas un numéro de Schnock qui n’ait fait l’objet d’une recension élogieuse dans Causeur. Du premier né montrant le joli minois de Jean-Pierre Marielle au dernier numéro de cet été, auquel Jérôme Leroy consacre un article dans Causeur magazine de juillet-août, en passant par l’hybride opus sur Amanda Lear, « le magazine des vieux de 27 à 87 ans » fait l’unanimité dans la rédaction. Aussi, pourquoi décrierait-on ce qu’on adore ? Au grand malheur des grognons, je ne dérogerai pas à la règle. Non que je sois particulièrement obséquieux – ceux que mes articles ont agacés pourront témoigner du contraire – mais le bel hommage de Schnock à Jean Yanne mérite cette attention.

Si les années 1970 connurent l’Anti-Œdipe, le fabuleux auteur des Chinois à Paris fut l’anti ego ; quel autre acteur aurait pu dire de lui : « Les bonnes femmes ont aimé les muscles de Belmondo, la gueule de Delon. Moi, dans le tableau, j’étais plutôt le mec qu’elles pouvaient comparer à leur mari en leur disant : « Tiens, c’est bien toi ça, t’es bien aussi chiant à la maison. » » ?

Evidemment, le dossier Yanne de Schnock compte son lot de citations et de dialogues cultes, d’anecdotes pas piquées des hannetons mais aussi, cerise sur le gâteau, des entretiens ciselés avec ses amis Tito Topin, Gérard Pirès, Michel Magne et Jean Louis Bertuccelli, metteur en scène du trop méconnu L’imprécateur. Au programme, un classement argumenté des films de Jean Yanne, aussi inégaux que drolatiques, dussent-ils frôler le nanar comme les poussifs Chobizenesse ou Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ. En creux, s’ébauche le portrait d’un homme pudique et réservé, qui a vécu auprès sa femme mourante alors qu’il aimait déjà Nicole Calfan.
Derrière l’emploi de salaud magnifique, en mari odieux dans Que la bête meure de Chabrol – avec la tirade culte commençant par « Ce ragoût est tout simplement dégueulasse ! » – ou en amant imbitable dans Nous ne vieillirons pas ensemble de Pialat – qui lui valut le Prix d’interprétation masculine à Cannes, se cachait un anar flemmard et talentueux.

Son compagnonnage avec Dominique de Roux le temps d’un livre d’entretiens (La France de Jean Yanne) ne doit d’ailleurs rien au hasard : le fondateur des Cahiers de l’Herne ne pouvait qu’estimer le formidable contempteur du capitalisme médiatique et industriel si bien dépeint dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil et Moi y’en a vouloir des sous.

Pour vous mettre une dernière fois l’eau à la bouche, donnons la parole à Gérard Pirès, qui rapporte cette saillie yannesque digne d’un aphorisme cioranien : « La vie est une tartine de merde dont on est obligé de manger une bouchée par jour ». Allez, assez causé, comme dit Jean Yanne dans Laisse aller c’est une valse, « on va quand même pas se mettre à travailler » !

 

Schnock n°3, été 2012.



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est journaliste.

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