Imre Kertész a écrit : « La vie est une erreur que même la mort ne répare pas ». Si j’ai une conviction, une seule, c’est bien celle-là.
Ces phrases terribles d’Imre Kertész dans son journal, phrases qui font écho à ce que je n’ai cessé de ressentir depuis mon adolescence, sur le désir de disparaître. Rien n’a servi à rien, écrit-il. La seule et unique réussite de sa vie a été de mesurer à quel point la vie lui est étrangère. Il s’est leurré avec une apparence de création et regrette de ne pas avoir été tué à temps, alors qu’il ne connaissait pas encore l’ambition et la vanité de la lutte. « Je souhaite sincèrement disparaître », ajoute-t-il. Mais comment ? Et là le trait d’humour qui sauve : pas besoin d’acheter un revolver, ni de se procurer de la morphine. On peut aussi sauter par la fenêtre. C’est moins cher.
Paradoxalement, Kertész, comme Cioran, considère son infortune comme un châtiment naturel pour avoir osé naître. Quant au socialisme, c’est-à-dire, une certaine forme d’espoir et de justice sociale, cela ne signifie absolument rien, sauf précise-t-il, dans deux cas de figure : la paresse intellectuelle ou la contrainte mentale.
Enfin, il ne croit pas que quoi que ce soit ait de l’importance et, ce qui est rare et précieux dans le cas d’un écrivain de sa classe, surtout pas son oeuvre, vis-à-vis de laquelle il est totalement détaché, d’où une certaine forme d’assurance nonchalante. « Ce que j’ai créé est peut-être médiocre, mais c’est moi. Et pour moi, c’est tout ce qui compte. » Ce Journal de Kertész (Sauvegarde 2001-2003) est tout, sauf une erreur : la confidence d’un homme qui a pigé l’essentiel et l’exprime avec une forme d’honnêteté et d’humour à laquelle je défie quiconque de rester insensible.
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