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Tous contre Dark Vador

Jean-Marie Le Pen disparu, la gauche fait du milliardaire Elon Musk son nouveau diable


Tous contre Dark Vador
© Yassine Mahjoub/SIPA

Les Jean Moulin de salon ont une nouvelle croisade: quitter Twitter ne suffit pas, il faut l’interdire. Au nom de la liberté, évidemment, car la censure, c’est la liberté! C’est beau comme du Orwell, s’amuse Elisabeth Lévy.


Dernière minute ! Elon Musk, déjà propriétaire de X (anciennement Twitter), pourrait bientôt racheter les activités américaines de TikTok si les États-Unis le bannissent. Des discussions seraient en cours. « Selon un scénario envisagé par le gouvernement chinois, X prendrait le contrôle du TikTok américain et gérerait les deux entreprises ensemble », croit savoir Bloomberg.

Une nouvelle tendance se développe : il faudrait quitter X (Twitter).
La gauche devrait élever une statue à Elon Musk. Elle était orpheline, privée de son doudou maléfique Le Pen; le milliardaire américain devenu l’âme damnée de Trump lui en offre un nouveau sur un plateau. Les ardeurs résistantes peuvent se reconvertir dans la chasse au Musk.

Seuls face aux « broligarques »

Avec le Dark Vador planétaire (parrain de « l’internationale réactionnaire », selon le président Macron), les Jean Moulin de salon ont une nouvelle croisade. Mais quitter Twitter ne suffit pas, il faudrait carrément l’interdire. Au nom de la liberté évidemment. La censure, c’est la liberté : c’est beau comme du Orwell !
Sandrine Rousseau paraphrase la sortie ridicule d’Adèle Haenel aux Césars, on se lève et on se casse, et invite ses collègues députés à quitter X, qualifiée de « machine de désinformation » et de danger pour la démocratie. Le mouvement HelloQuitX donne le mode d’emploi pour migrer sur des réseaux convenables le 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump aux États-Unis. Les décideurs européens, pelotonnés derrière leur Digital Services Act (DSA), supposé réguler le Far West numérique, espèrent lutter contre les « broligarques » à coups d’amendes…

Je suis un peu railleuse, mais je ne dis pas que X ne pose aucun problème.

Discours formatés pour plaire à l’algorithme Twitter

Les réseaux sociaux en général sont une calamité historique qui encourage le pire de l’être humain. Invectives, âneries, dérives, trucs dégoutants…

A lire aussi, Ivan Rioufol: Le journalisme, victime de ses arnaques

Aujourd’hui, même le discours politique est formaté pour être twittable (à ce titre, X est tellement utile pour tous les acteurs de la vie politique qu’il n’est pas sûr que les appels à la désertion soient massivement suivis…). Et s’il faut interdire quelque chose, TikTok serait peut-être prioritaire ; il semble que cela abime beaucoup les cerveaux de nos jeunes.
Que reproche-t-on à Elon Musk, au juste ? (et maintenant à Mark Zuckerberg qui vient semble-t-il d’effectuer un virage politique)

  • Premièrement, ses opinions. Il est pour l’AFD en Allemagne. Cela ne me pose pas de problème que M. Musk défende ses opinions, comme M. Soros dans le camp progressiste par exemple. Ce qui pose en revanche un problème politique, c’est qu’il est désormais quasiment ministre de Trump… Mais si son débat avec l’Allemande Alice Weidel a cartonné sur X, c’est que les usagers votent en réalité avec leur pouce et aiment ce qu’elle dit. Ils ont peut-être tort, mais il n’y a aucune preuve que l’algorithme surexpose ces idées.
    Quand Facebook / Meta obéissait aux consignes de Joe Biden pour censurer ou favoriser certains contenus, ce que Mark Zuckerberg a avoué dans une vidéo récente, quand Twitter suspendait le compte de Donald Trump, quand la tech était de gauche, tout le monde applaudissait. La liberté, ce n’est bon que pour les gens qui pensent comme nous.
  • Ensuite, il y a le cas des fake news. Nous savons qu’il n’y a plus de fact-checking sur X (c’est-à-dire qu’il n’y a plus de modération maison, de vérification des faits réalisée par la « boutique » X/ Twitter), et qu’il n’y en aura plus non plus demain sur Facebook, mais une modération communautaire comme sur Wikipedia. Cela n’est pas forcément moins efficace.

Les réseaux sociaux ont démocratisé le droit de dire n’importe quoi au niveau planétaire. Malheureusement, on ne va pas faire entrer le dentifrice dans le tube. Mais on peut imposer le pluralisme. Que toutes les idées s’affrontent à la loyale. En attendant, nous sommes une colonie numérique américaine. Au lieu de jouer les chevaliers blancs, on aimerait que Thierry Breton dise ce qu’il a fait pour contrer la suprématie numérique américaine. Rien.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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