Cela faisait des mois que la gauche médiatique avait arraché à la droite le flambeau de la Censure. Des éditos plaintifs souhaitant faire taire Zemmour ou d’autres néo-réacs de la même espèce à la cabale orchestrée contre Frédéric Taddéi et son émission exagérément pluraliste, les nouveaux inquisiteurs ne se recrutaient plus à droite. Le summum fut atteint vendredi lorsque deux membres du Parti Socialiste prirent leur plume afin de protester auprès du CSA contre les propos d’Alain Finkielkraut qui débattait la veille avec Manuel Valls.
C’était compter sans Jean-François Copé. En cinq minutes, dimanche soir, il a récupéré l’encombrant flambeau de la censure et du puritanisme que Najat Vallaud-Belkacem avait pourtant légitimement gagné lors du débat sur la prostitution. Comment a-t-il réussi ce prodige ? Alors que Gaspard Proust avec l’humour qu’on lui connaît, et Elisabeth Badinter la sagesse et la pondération qui la caractérisent, avaient démontré que les ABCD de l’égalité étaient ridicules voire néfastes, le président de l’UMP a souhaité montrer combien son parti pouvait être pertinent en la matière. On imagine les permanents rue de Vaugirard en train de trouver LA pièce à conviction qui permettrait à leur patron de briller lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI.
On ne peut pas dire qu’ils ont eu la main heureuse. C’est finalement dans une liste d’ouvrages conseillés par une association ardéchoise, publiée par le centre régional de documentation pédagogique de Grenoble qu’ils ont trouvé, parmi une centaine d’autres livres, le fameux album pour enfants « Tous à poil ! » qui a permis à Jean-François Copé de réaliser un drôle de sketch. Voilà le président du premier parti d’opposition feuilleter l’album et aligner, mi-outré mi-ironique, les différents « tous à poil », le bébé, la mamie, la baby-sitter[1. Perso, je préfère la baby-sitter à la mamie, mais c’est une question de goût.], la maîtresse (« c’est bien pour l’autorité du professeur »), le chien, le PDG[2. Ce dernier, indignant encore davantage notre adversaire de la lutte des classes.]. Comme Benoit Rayski l’a expliqué sur Atlantico, Copé a tapé à côté de la cible. Alors qu’il entendait sans doute s’opposer à la confusion des genres expérimentée dans plusieurs centaines d’écoles maternelles et primaires, Copé a exhibé un album rappelant aux enfants l’altérité des sexes dans toute leur… nudité.
Mais surtout, il a permis à ceux-là mêmes qui souhaitent karcheriser le paysage médiatique français de se poser en défenseurs de la liberté d’édition. Les gardes roses, selon la magnifique expression d’Elisabeth Lévy, ont beau jeu d’accuser la droite de souhaiter des autodafés. De l’autre côté du front, Copé a-t-il seulement envisagé que cette initiative se faisait au moment où le Printemps français de Béatrice Bourges réclamait qu’on fasse le tri dans les bibliothèques municipales ? Le président de l’UMP a en tout cas rempli de joie les auteurs et l’éditeur de l’album puisque ce dernier ne s’est jamais aussi bien vendu que depuis deux jours. Si un éditeur cherche un attaché de presse…
Et si Copé était seul dans sa croisade morale, on pourrait plaider la maladresse d’un homme. Or, Georges Fenech, député UMP et figure de la droite lyonnaise vient de signaler le groupe de Femen à la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MIVILUDES) et de demander officiellement sa dissolution. Que les Femen se soient illustrées par des actions ridicules, c’est un fait. Qu’elles doivent être déférées devant la justice lorsqu’elles violent la loi, c’est évident. Mais demander leur interdiction et, pis, permettre à Caroline Fourest de se poser en militante de la liberté d’expression sur Canal +, là franchement, c’est trop. Surtout juste après le déjeuner.
Si la droite continue d’être dirigée comme ça, Nicolas Sarkozy n’a décidément pas de souci à se faire. Il n’aura qu’à se baisser pour la ramasser.
*Photo : lefigaro.fr.
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