(Avec AFP) – La Tour Eiffel, l’un des monuments les plus visités au monde, a été fermée plusieurs heures vendredi. Non pas à cause d’une alerte à la bombe ou autre menace d’attentat, mais en raison d’un mouvement de protestation de ses agents d’accueil, inquiets de la « recrudescence » des pickpockets.
La Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE) a annoncé dans un communiqué le « retour à la normale » vendredi à 16h30 de l’activité de l’emblématique tour parisienne, qui accueille plus de 7 millions de visiteurs chaque année, dont environ 75% d’étrangers.
A l’ouverture à 9h30, la majorité des salariés avaient choisi de « faire valoir leur droit de retrait » en raison d’une « recrudescence des agissements des pickpockets sur la Tour Eiffel et suite à plusieurs agressions et menaces ».
Ils exigeaient « des garanties formelles de la part de la direction afin que des mesures pérennes et efficaces soit prises pour mettre fin à ce fléau dont sont victimes quotidiennement de nombreux touristes ».
Après de premières discussions infructueuses avec la direction, la situation s’est débloquée en milieu d’après-midi.
« Des choses ont été mises en place » permettant la reprise du travail », a indiqué à l’AFP un agent d’accueil ayant requis l’anonymat, sans fournir davantage de détails.
Néanmoins, il n’y a « rien de définitif », « on fera un point dans quelques jours » pour voir si des solutions pérennes et satisfaisantes sont trouvées, a-t-il prévenu.
– Des touristes déçus –
Le droit de retrait, invoqué par des salariés qui estiment encourir un « danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé, avait surpris les touristes étonnés de trouver portes closes.
« Nous avions réservé des places, nous sommes assez déçus », avait regretté Tushar Kardile, venu de Londres avec son frère, qui lui venait d’Inde, et accompagné de quatre enfants. « Quand nous sommes arrivés ici, il n’y avait personne pour nous expliquer ce qu’il se passait. Ils ont parfaitement le droit de se mettre en grève mais devraient prévenir le public », avait-il poursuivi.
Les salariés « ont peut-être raison » de réagir, « mais nous aurions préféré avoir été avertis », avait regretté pour sa part Elena Sofronova, une Russe venue « pour l’anniversaire de (son) fils qui a 6 ans ». Et le gamin s’était dit « un peu déçu » de s’être ainsi fait voler… son cadeau d’anniversaire.
Non loin des panneaux lumineux indiquant « la Tour Eiffel est momentanément fermée » en français et en anglais, des agents avaient fait œuvre de pédagogie pour expliquer la situation aux visiteurs.
« On demande des mesures de sécurité, on a beaucoup de problèmes avec les pickpockets », avait ainsi expliqué l’une d’elles à un touriste hispanophone.
« Le public est compréhensif et encourageant. C’est aussi pour eux qu’on fait ça car ce sont les premières victimes », avait développé Mathieu, un salarié. Mais le personnel aussi en souffre : « On se fait menacer, intimider », « le phénomène est exponentiel », donc « on tire la sonnette d’alarme ».
Les revendications des salariés ? « On fait face à des vrais professionnels, on demande à ce que de vrais pros soient mis en face pour endiguer le phénomène », avait-il expliqué.
La direction « est plutôt dans la position d’informer les visiteurs (de la présence de pickpockets, ndlr) pour se déculpabiliser » face à ce problème, avait expliqué à l’AFP un agent d’accueil.
A l’entendre, on pense en effet à l’invraisemblable message diffusé en boucle dans le métro parisien depuis des années : « Pour ne pas tenter les pickpockets, fermez bien votre sac et surveillez vos objets personnels. » Comme si l’usager était d’avance considéré non pas comme victime d’un vol mais comme coupable de « tentation de pickpocket »…
« Quand le patronat veut surveiller ses salariés, il met des clients mystères. Pourquoi n’y aurait-il pas des touristes mystères, asiatiques », afin de « prendre les pickpockets en flagrant délit » ? s’était-il interrogé. Ciel, les voleurs opèreraient donc en plus une sélection de leurs cibles sur une base ethnique !
La direction avait de son côté assuré être « engagée dans une coopération active et durable avec la préfecture de police qui a conduit au renforcement continu des mesures visant à garantir la sécurité du personnel et du public ».
A Paris, 26 000 policiers doivent être déployés cet été sur une dizaine de sites touristiques emblématiques, pour lutter notamment contre les vols à la tire dont sont victimes les touristes.
En avril 2013, les personnels du musée du Louvre avaient pareillement exercé leur droit de retrait au nom de la sécurité des touristes dans la capitale, qui attire près de 30 millions de visiteurs par an.
Et si la solution, finalement, consistait à occuper les malheureux plantons mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate en leur confiant en plus une mission intitulée par exemple « Vigipickpockets » ? Avec un peu de chance, ils finiraient peut-être par tomber sur un djihadiste aux poches pleines d’explosifs.
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