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Touche pas à ta sœur !

Elisabeth Lévy présente notre grand dossier du mois


Touche pas à ta sœur !
Des groupes d’adolescents dans une rue de Nantes, avant la rentrée scolaire, 31 août 2023 © LOIC VENANCE/AFP

Samara tabassée à Montpellier, Shemseddine battu à mort à Viry-Châtillon, Rachid poignardé à Bordeaux. Dans de nombreux quartiers de France, la charia devient la norme commune et l’islam, la véritable nationalité d’une grande partie de la jeunesse musulmane. Si Gabriel Attal a osé nommer le mal, la Macronie s’est empressée de noyer le poisson islamiste dans le grand bain de la violence des jeunes. Reste à savoir s’il n’est pas trop tard pour la reconquête.


Sa langue n’a pas tremblé. Le 18 avril, sur BFM, rompant avec l’évitement sémantique qui tient lieu de ligne politique à son camp, Gabriel Attal lâche les mots qui fâchent France Inter. Réagissant au meurtre de Shemseddine, survenu quelques jours après le passage à tabac de Samara, le Premier ministre parle de « l’entrisme islamiste » sévissant dans des écoles où il impose « les préceptes de la charia ». Ces mots font écho à ceux de Mila qui, quelques jours plus tôt, dénonçait la police des mœurs à l’œuvre dans certains établissements.

Nos petits Talibans

On dira que le Premier ministre découvre la lune et que, depuis l’assassinat de Samuel Paty (en réalité bien avant), nul ne peut plus ignorer l’islamisation conquérante de certains quartiers, ni le fait que l’école est la cible d’une offensive encouragée de mille façons par les caïds de quartier et les influenceurs islamistes. De plus, Attal avait à peine ouvert un œil que le reste de la Macronie s’empressait de le refermer, noyant le poisson islamiste dans le grand bain de la violence des jeunes TikTokés, de l’ensauvagement général et de personne ne respecte plus l’autorité ma bonne dame. S’en est suivi l’habituel concours de proclamations martiales et passablement comique. On a entendu Prisca Thevenot, l’impayable porte-parole du gouvernement (poste décidément maudit) déclarer que « l’autorité doit s’appliquer partout, pour tous », Nicole Belloubet, promettre que son « bras ne tremblera pas » et, pour finir, le président jurer que « nous serons intraitables ». Nous sommes sauvés.

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Le mot chien ne mord pas et le mot autorité n’inspire pas le respect. Cependant, avant les actes, il y a toujours des mots. On ne peut pas déplorer en boucle le déni d’État et ricaner quand le voile se déchire, serait-ce tardivement et timidement. Que le Premier ministre investisse un champ lexical généralement réservé à la « fachosphère » (espace désignant tout ce qui se trouve politiquement à droite d’Olivier Faure), ce n’est pas rien. D’ailleurs, si les Insoumis ont hurlé à l’islamophobie, Libé et Le Monde ne se sont même pas fendus d’éditos pour dénoncer la nauséabondisation des esprits. Tout fout le camp, même l’antifascisme.

Il faut dire que les militants de l’aveuglement ont pris de sérieux coups de réel sur la caboche. D’abord, le 26 mars, le proviseur du lycée Maurice-Ravel jette l’éponge à quelques semaines de la retraite. L’État se couche devant une gamine arrogante et menaçante, et il habille cyniquement sa capitulation de respect de convenances personnelles – c’est vrai, le proviseur préférait rester en vie. Ensuite, le 2 avril, le passage à tabac de Samara, coupable de coquetterie. Le 4, l’agression de Shemseddine qui mourra le 5, par deux bas du front qui prétendent garder la vertu de leur sœur. Enfin le 10, sur les quais de la Garonne, Rachid est tué parce qu’il picole le jour de l’Aïd. Sans oublier tous ceux, musulmans ou pas, à qui on pourrit la vie parce qu’ils ont osé boire ou fumer pendant le ramadan – comme si c’était la moindre des choses que toute la France se mette à l’heure islamique.

Ce qui se joue sur notre sol, et pour partie à l’intérieur de la société musulmane, c’est un conflit anthropologique. Dans les endroits où l’islam est majoritaire, son expression la plus littérale, donc la plus séparatiste, devient la norme à laquelle chacun et surtout chacune doit se soumettre. Bien plus qu’une religion, c’est une frontière identitaire. Sa première cible, ce sont donc les membres du groupe qui ont l’outrecuidance de vouloir lui échapper, les kouffars musulmans, équivalent des sociaux-traîtres pour les communistes. Pour la jeunesse des quartiers, explique l’écrivain Omar Youssef Souleimane, l’islam n’est pas une origine ou une religion, c’est une nationalité. Le crime de Samara, Shemseddine, Rachid, c’est d’être français. En s’assimilant à nos mœurs, ils violent la loi du clan.

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Reste la question vertigineuse qui hante de nombreux Français : est-il trop tard ? Qui, des forces de la soumission ou de celle du refus, gagnera la guerre qui se joue dans les tréfonds mentaux de la société ? À coups de lâchetés parées de bienveillance et de calculs électoraux crapoteux, on a abandonné une génération à l’influence des Frères. Pendant que les vestales féministes se déchaînaient contre le mâle blanc, des territoires entiers sont devenus des zones d’oppression des femmes. Toutes les études montrent que les islamistes ont gagné la bataille de la jeunesse – et pas seulement musulmane. Venez comme vous êtes, l’idéologie McDo fait des ravages chez les adolescents et chez les profs. À en croire un sondage Ifop/Licra de mars, 52 % des lycéens voudraient autoriser le port des signes religieux à l’école. Pire, la même proportion est hostile au droit de critiquer les religions. Autrement dit, nos merveilleuses générations futures aimeraient bien rétablir le délit de blasphème. Tout ça pour ça.

Impossible de dire s’il est minuit moins le quart ou minuit et quart. Mais l’invocation rituelle de la laïcité, devenue l’arme fatale contre l’islamisme, ne suffira pas à protéger les intégrés des intégristes, ni à obliger ces derniers à rentrer dans le rang républicain. Surtout que le progressisme, pour l’accommoder à la sauce multiculti, en a fait un concept aussi sucré, gentillet et inopérant que le vivre-ensemble. La laïcité française, ce n’est pas chacun fait ce qui lui plaît. Ce n’est pas l’accueil bienveillant de toutes les religions, mais la discrétion et la retenue qui leur sont imposées. En vertu de quoi, l’individu a le droit de s’émanciper de son groupe et l’État, le devoir de lui en garantir la possibilité.

Être français est un privilège

« La laïcité n’est pas une contrainte, c’est une liberté », ose Gabriel Attal. Ce propos n’est pas seulement faux, il est la clef de notre impuissance. Le Premier ministre prétend combattre l’entrisme islamiste, mais répugne à employer la contrainte. Surtout, ne froissons personne. On endiguera certainement l’islamisation à coups de stages de citoyenneté.

Il n’y a pas de solution miracle et indolore. La volonté de reconquête affichée par Gabriel Attal sera crédible quand elle aura été signifiée clairement aux principaux intéressés. Les plus hautes autorités de l’État doivent rappeler solennellement la règle du jeu à nos compatriotes musulmans – qui ont le droit d’être traités en adultes. En France, tu ne ramènes pas ta religion à tout bout de champ, en France, on a le droit de se moquer de ton dieu, en France, une fille en minijupe n’est pas en accès libre. En France, tu touches pas à ta sœur.  Être français est un privilège. Il a un prix.

Mai2024 – Causeur #123

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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