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Touche pas à mon despote !


Jamel Debbouze dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain.

De temps en temps, entre deux affaires de chiens corréziens décimés par des boulettes empoisonnées, la presse quotidienne régionale sort quelques révélations de derrière les fagots. L’entretien qu’a récemment accordé Jamel Debbouze à L’Est-Eclair ne déroge pas à la règle. Comme les personnages d’Amélie Poulain, qu’il marqua de son jeu facétieux, Jamel aime : les révoltes arabes, Martine Aubry et sa gestion municipale à Lille, son « super » mentor (et non moins paternel) Jacques Delors, la France diverse, etc. En esprit cartésien, il n’aime pas : la droite, le Front National, les critiques de l’immigration qui « rapporte beaucoup d’argent et rend service à la France », le 21 avril 2002, et j’en passe…

L’esprit charitable et néanmoins taquin d’où sont sorties ces lignes n’insistera pas sur la frivolité politique qui vous fait passer de Ségolène Royal à Martine Aubry en moins de temps qu’il n’en faut pour comprendre leurs prétendues divergences idéologiques. Après tout, Debbouze ne sera ni le premier ni le dernier à retourner sa veste au détriment de l’ex-chouchoute des sondages : de Pierre Bergé à Dominique Besnehard, on sait certains people peu enclins à se porter au secours des causes désespérées. Lorsque les agences de notation politique que sont Sofres, Ipsos ou l’Ifop abaissent votre cote de popularité, vous n’avez plus que vos yeux pour pleurer ou Sainte Rita à implorer.

Aujourd’hui, c’est décidé, Jamel vote donc Aubry avec la dévotion des convertis (« J’aime cette meuf ! »). Celui que les médias ont propulsé porte-parole des banlieues – sous prétexte qu’il y est né avant de faire fortune, le même raisonnement déterministe conduisant logiquement Alain Madelin à se proclamer représentant de la classe ouvrière – martèle que Martine sera la meilleure pour le job. Sur quels critères ? Le j’aime/j’aime pas bien sûr. Syllogisme implacable. Aubry traite merveilleusement l’immigration à Lille, elle impulsera donc un mouvement de rectification dans ce pays gangréné par le conservatisme. Son premier fan le dit haut et fort : « Franchement, ma seule ambition, c’est que l’immigration soit un jour respectée. J’en souffre encore aujourd’hui et je trouve ça déplorable ».

Pis, si Marine Le Pen se qualifie pour le second tour de la présidentielle – ne parlons pas de victoire -, l’humoriste « change de crémerie ». Un 21 avril ça va explique-t-il, deux bonjour les dégâts. Il ne supporterait plus d’habiter dans cette France-là, une démocratie où le verdict des urnes lui semblerait décidément trop malodorant.
Antifasciste patenté, Jamel ne se contente pas de faire le ménage en France, il se penche aussi sur le sort des pays arabes, ces grands oubliés de la déesse Démocratie. Il se félicite des bouleversements intervenus dans les pays arabes depuis que la grogne partie de Sidi Bouzid ébranle jusqu’au plus petit patelin yéménite.

Ce qu’il y a de croustillant dans cet enthousiasme à géométrie variable, ce n’est pas tant que Jamel s’effraie du danger que représenterait le Front National pour nos libertés, danger largement imaginaire à mon avis, ni qu’il balaie d’un revers de la main le péril islamiste.
Non, le plus drôle, c’est son silence assourdissant sur la vague de répression qui a secoué le Maroc ces derniers mois, l’arrestation puis la libération tardive d’opposants par son ami Mohammed VI, tendrement surnommé « M6 » par ses intimes.

Non content d’adresser de réguliers satisfecit à la politique d’ouverture en trompe l’œil de son ami le Roi, Debbouze reste muet sur le « mouvement du 20 février », plate-forme de l’opposition marocaine constituée début 2011 après la répression brutale d’émeutes populaires. Cette structure démocratique dénonce la dernière réforme constitutionnelle de Mohammed VI comme de la poudre aux yeux et appelle les artistes à boycotter les événements culturels du pays de l’Atlas.

Las, comme si de rien n’était, Jamel a organisé en juin dernier la nouvelle édition du Festival international du rire du Marrakech. Allez, ne soyons pas mauvaises langues, et attribuons ce militantisme paillette à un très haut sens moral : après tout, Debbouze pense peut-être qu’une fois arrivée au pouvoir, la terrrifiante Marine Le Pen maltraiterait ENCORE PLUS ses opposants que le bon roi M6…



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est journaliste.

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