Accueil Culture Un viol, un meurtre, une exécution, un suicide: «Va, Tosca!»

Un viol, un meurtre, une exécution, un suicide: «Va, Tosca!»

Ce n’est plus un opéra, c’est un thriller!


Un viol, un meurtre, une exécution, un suicide: «Va, Tosca!»
Saioa Hernández et Bryn Terfel © Vincent Pontet / Opéra de Paris

On donnait samedi pour la rentrée de l’Opéra la première d’une série de représentations de Tosca, l’opéra composé en 1900 par l’Italien Giacomo Puccini. Le président Macron et son épouse étaient présents dans la salle.


Ce samedi, pour l’ouverture de la saison lyrique sous les auspices de Puccini, que de beau linge, que de beau linge ! À la fin du premier entracte, juste avant le lever de rideau du deuxième acte de Tosca, apparaissent incognito, tapis dans la loge au noir tablier du premier balcon, sur la gauche dans l’immense salle de l’Opéra-Bastille, Emmanuel et Brigitte Macron, en chair et en os. Le couple présidentiel est flanqué de Rima Abdul-Malak, la neuve ministre de la Culture qui succède à Roselyne Bachelot. Mais où est donc passée Roselyne ? Dans le rang réservé aux « huiles » officielles, l’immortel Jack Lang (et Monique) coudoient l’actuel ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye – et Madame. Bref, la première de ce must absolu de l’art lyrique était presque un raout d’État. 

Tosca (C) Vincent Pontet / Opéra de Paris

Giacomo Puccini adapte Victorien Sardou

Créé en à Rome en 1900 et représenté trois ans plus tard à l’Opéra-Comique parisien, le fameux opéra de Puccini est, comme l’on sait, l’adaptation de La Tosca (1887), pièce de théâtre en cinq actes et en six tableaux de Victorien Sardou, alors l’un des plus célèbres auteurs à succès du XIXème siècle. Elle est créée au Théâtre de la Porte Saint-Martin, spécialisée dans les spectacles tape-à-l’œil. Dans le rôle-titre, rien moins que l’irremplaçable Sarah Bernhardt. La critique, tétanisée par les tirades éruptives de la diva, juge que ce plat entaché de vulgarité serait mieux fait pour l’exportation chez les Yankees. Mais le public assure le succès de la tragédie, et La Tosca part en tournée à Milan après plus d’une centaine de représentations à Paris. Puccini, qui a assisté à une représentation, s’enquiert des droits. Un autre compositeur, Alberto Franchetti, se met également sur les rangs. Le livret signé Luigi Illica, a été approuvé par l’éditeur, Ricordi. Le temps passe. Puccini a eu vent que Verdi serait aussi tenté par une adaptation. Franchetti s’étant désisté, le compositeur de Manon Lescaut puis de La Bohême se lance dans l’écriture de l’œuvre… qui prendra pour titre Tosca. Voilà pour la petite histoire. 

Créée en 2014, la présente mise en scène, signée Pierre Audi (cinéaste franco-libanais, longtemps directeur artistique de l’opéra d’Amsterdam, et désormais directeur du prestigieux festival d’Aix-en-Provence depuis 2018), d’un sage historicisme traversé d’encombrants symboles (telle la colossale croix anthracite en béton armé coiffant le plateau comme un étrange ovni suspendu dans le ciel) n’offre pas une relecture provocante ou avant-gardiste de ce chef-d’œuvre. Car, d’une intrigue qui cumule : un viol, (celui que Scarpia, le tyran bigot, érotomane et sadique intente sur la diva sacrificielle) ; un meurtre sanglant, au couteau (perpétré par Tosca sur son agresseur) ; une séance de torture (pauvre Mario !)) ; une fourbe exécution capitale (celle de Mario Caravadossi, fusillé par un peloton) ; et enfin, cerise sur la gâteau, un suicide (celui de la pieuse Tosca, qui part rejoindre Scarpia en enfer) ! – la monstrueuse violence apparaît gentiment « euphémisée » sous les atours d’une régie raffinée, mais qui a un peu vieilli. Celle-ci a déjà connu maintes reprises : en 2016, en 2019 puis dans l’arrière- saison pandémique, en juin 2021. Reconnaissons que Tosca n’a par ailleurs jamais cessé d’inspirer nombre de scénographies autrement mémorables – celle, inoubliable, de Robert Carsen, qui transposait à l’époque de l’Italie fasciste une action supposée se dérouler à Rome, avec la victoire de Bonaparte à Marengo en arrière-plan ; ou encore celle du cinéaste-culte de La Mort de Maria Malibran Werner Schroeter (1945-2010), pour l’Opéra-Bastille déjà. 

Tempo vigoureux

Pour autant, on ne boudera pas son plaisir. Succédant à Carlo Montanaro à la baguette l’an passé, le chef d’origine vénézuélienne Gustavo Dudamel dirigera Tosca jusqu’au 18 septembre, relayé ensuite par Paolo Bortolameolli. Ce 3 septembre, le maestro Dudamel faisait véritablement rutiler l’Orchestre de l’Opéra de Paris, sur un tempo vigoureux où sonnaient avec une suavité sans pareille les arrière-plans de cette partition géniale. Dans le rôle-titre, plus en puissance de projection vocale qu’en retenue, la soprano Saioa Hernandez, 39 ans, qui débute à l’Opéra de Paris en ce mois de septembre, et sera remplacée par Elena Stikhina pour les représentations des deux mois suivants. La voix de l’infernal Scarpia, quant à elle, est tenue tour à tour par Bryn Terfel, Gerald Finley et Roman Burdenko, tandis qu’en alternance, l’héroïque et infortuné Mario prend les traits du fantastique ténor maltais Joseph Calleja – dont les aigus vertigineux irradiaient cette première – et de l’américain Brian Jagde. « Va, Tosca ! Dans ton cœur, Scarpia fait son nid »…. Et Tosca dans le nôtre.  


Tosca (1900) Mélodrame en trois actes de Giacomo Puccini, sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d’après la pièce La Tosca, de Victorien Sardou. Direction musicale : Gustavo Dudamel (3/18 septembre) puis Paolo Bortolameolli. Avec Saioa Hernandez/ Elena Stikhina (Tosca), Joseph Calleja/ Brian Jagde (Mario Cavaradossi), Bryn Terfel/ Gerald Finley/ Roman Burdenko ( Scarpia). 

Opéra-Bastille, les 6, 9, 12, 15, 24 septembre ; 20, 26, 29 octobre, 3, 8, 11, 17, 22, 26 novembre à 19h30. Et 18 septembre, 23 octobre à 14h30. 




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