Et si loin des carquois, des torches et des flèches, On se sauvait un peu vers des choses plus fraîches?» suggère Cyrano à l’acte III de la pièce de Rostand. Pour équilibré qu’ait été le dernier article de notre chroniqueur, il s’est fait écharper par les américanolâtres et autres partisans de l’entrée en guerre de l’Europe. Des critiques qui ont fort marri Brighelli, qui a une sensibilité de violette… Alors, tant pis ou tant mieux, il revient au cinéma !
Il y a trois mois, j’avais déjà signalé aux foules désœuvrées qu’elle pouvait, en toute confiance, aller voir jouer « Pig », qui marquait la résurrection de Nicolas Cage. Rebelote : précipitez-vous pour voir « Un talent en or massif », avant qu’il disparaisse des salles obscures auxquelles les imbéciles préfèrent le confort relatif de leur canapé où ils peuvent tripoter impunément leur télécommande en regardant Netflix. Seconde résurrection de Nicolas Cage — et une heure et demie d’intense rigolade.
Autodérision
L’acteur y joue son propre rôle, celui d’une star sur le déclin, blackboulé de tous les castings, à peine supporté par sa fille adolescente et son ex-femme, criblé de dettes et accroché aux glaçons de son bourbon comme un ours à sa banquise. Il se voit proposer un million de dollars pour assister à l’anniversaire d’un magnat aux revenus douteux, à Majorque (en fait, la côte croate). Quelques sous-intrigues plus tard, le voici forcé d’assumer son statut de dur à cuire dans une succession de scènes pleines de bruit et de fureur — sauf que ça ne marche pas aussi bien que dans un film écrit par Hollywood, mais nous sommes bien à Hollywood et ça finira bien.
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Seul Nicolas Cage pouvait jouer dans un film qui s’offre le luxe, dans une scène censée confronter deux super-méchants, de faire une longue pub pour les froot loops de Kellogg’s — si ! Le film de Tom Gormican est une habile synthèse entre « Last action Hero », où Schwarzenegger se moquait amplement de lui-même, et « The Player », le film de Robert Altman sur Hollywood. Seul Cage pouvait tourner un film d’action qui fait l’apologie du « Cabinet du docteur Caligari », ce sommet du cinéma expressionniste allemand muet ou de « Paddington 2 », cette petite merveille sortie en 2017 — pour petits et grands enfants.
Un acteur génial
Je sais que Cage a joué dans nombre de productions passées directement en vidéo sans transiter par la case cinéma. Mais vous ne pouvez gommer un acteur qui a si intensément brillé dans « Eclair de lune », « Sailor et Lula » (il est d’ailleurs confronté dans « Un talent en or massif » à celui qu’il était à l’époque du tournage du film de David Lynch, dans un dédoublement jouissif), « Volte-face », « Snake eyes », « À tombeau ouvert » ou « Lord of war ». Bien sûr il est le neveu de Coppola, et cela lui a ouvert quelques portes. Mais le reste, il le doit à son génie personnel.
Génie, vous êtes sûr ? Mais oui ! Il y a quelque chose d’excessif, dans le jeu de Cage, qui le range dans la catégorie de ces acteurs de tempérament que furent, en France, Raimu ou Belmondo (ou Depardieu), et que sont aux Etats-Unis Nicholson ou Al Pacino. Pas moins.
Dans les périodes moroses, le cinéma se fait divertissant. Pendant la Grande Dépression on a tourné une masse de comédies musicales et les premiers films de super-héros. Depuis vingt ans, la machine hollywoodienne, qui en sait davantage sur l’effondrement de notre civilisation que bien des politiques, est revenue aux héros fantastiques et aux comédies déjantées — pour notre plus grand plaisir. Que nous ne sachions pas en faire autant (avant la séance, j’ai eu droit aux bandes-annonces de quelques sous-produits français à venir) témoigne juste de la pauvreté intellectuelle dans laquelle nous baignons, dans l’Hexagone — but that’s another story, comme dirait Cage in english in the text.