La star de l’occupation de Tolbiac aura été « Chien Guevara », héros de la conférence de presse diffusée le 6 avril.
Dans le 13e arrondissement, la Commune libre de Tolbiac (4 000 étudiants environ) aura tenu du 26 mars au 20 avril, date de son évacuation par les CRS. Moment vécu, une semaine avant la chute finale. Au mur, en grand : « Le mouvement est en train de prendre. C’est la théorie du chaos », phrase prononcée sur France Culture le 30 mars par Georges Haddad, président de Paris-I…
Deux étudiants masqués accrochent aux grilles un drap orné d’un slogan. L’un d’eux, voyant un smartphone brandi, alpague son propriétaire : les photos doivent être effacées. Le photographe, qui se dit journaliste, refuse. Le ton monte. Le Zorro masqué accuse son interlocuteur d’être « dans un rapport d’exploitation. Cette photo, vous allez la vendre ! À cause des médias, des étudiants ont des problèmes familiaux. » Comme si les étudiants en question ne laissaient pas sur les réseaux sociaux des traces singulièrement faciles à retrouver. L’une des figures de proue de l’occupation de Tolbiac, par ailleurs, ne sera probablement pas réprimandée trop durement par ses parents. Il s’agit de Louis Filoche, étudiant, fils de Gérard Filoche, pilier de l’aile gauche du conseil national du PS de 1994 à 2017. Quelques jours avant l’évacuation, il semble avoir reparamétré son compte Facebook, qui rend son engagement moins évident.
« Je m’appelle Guevara (j’ai pas choisi), je suis retenu contre mon gré… »
Toujours devant les grilles, un autre journaliste tente de fraterniser avec Zorro : « Laisse-moi entrer, j’ai étudié à Paul-Valéry, moi aussi j’étais engagé. Politiquement, je suis avec vous. » Une militante, soixantaine passée et cheveux blancs, distribue des tracts pour « Jeunesse révolution »… « Nous, on est avec eux, mais on respecte : c’est leur occupation, alors on n’entre pas. » Elle fait le pied de grue, tracts en main, à l’époque de Twitter et de Snapchat, snobés par ceux qu’elle soutient. Son camarade, de la même génération, finit par avouer candidement : « Le discours des étudiants, je ne le connais pas exactement. Mais il faut en finir avec ce gouvernement. » Le « queer », cet ensemble de théories dont on débat de l’autre côté des grilles, qui remettent en cause la domination du modèle social hétérosexuel et masculin, ne leur parle pas davantage.
En pratique, les réunions non mixtes de genre ont été annulées à Tolbiac. Elles provoquaient trop de remous. Leur évocation choque le journaliste passé par Paul-Valéry : les vingt ans qui le séparent des militants masqués, soudain, lui tombent dessus. Infiltrer un étudiant dans Tolbiac le lendemain s’avérera très simple. À l’intérieur, quelques dizaines de jeunes, pas davantage, vivent et dorment sur place. Le soir, l’endroit est assez couru. Ambiance festive. Il n’y a pas de bar. Chacun amène sa boisson. L’occupation est en fait encadrée. On ne monte pas dans les 22 étages et des agents de l’université passent de temps en temps, pour maintenir un minimum de respect des normes de sécurité.
Dans le monde virtuel, la star de l’occupation de Tolbiac aura été « Chien Guevara », héros de la conférence de presse diffusée le 6 avril.
Ce compte Twitter parodique (26 000 followers le 18 avril, 29 700 le 7 mai) a très vite dépassé en popularité les pages Facebook de la révolte officielle. « Je m’appelle Guevara (j’ai pas choisi), je suis retenu contre mon gré depuis une semaine par des gens déguisés dans une fac moche. SOS. Ça pue le chichon ici. » Chien Guevara, enfin libre.
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