Chez nous, il n’est désormais plus nécessaire de pouvoir faire un bébé avec sa moitié pour fonder une « famille ». Il suffit de s’aimer très fort, et éventuellement d’avoir un « projet parental », parfois plus douteusement appelé « désir d’enfant ». Malheureusement, partout ailleurs à l’exception d’une douzaine de pays, on ne voit pas bien ce que l’union de deux personnes de même sexe aurait à voir avec une famille. Sans doute parce que les technologies de fécondation et d’insémination artificielle comme le marché des gamètes et des utérus y sont encore trop peu développés.
Fidèle à sa mission sur Terre depuis les Lumières, la France entend donc encore une fois faire bénéficier le monde entier de son sens du Progrès. En l’occurrence, c’est le Conseil d’Etat qui s’en est chargé en prenant, selon les mots de nos confrères du Monde, « une décision sans précédent » : le 9 juillet, les juges suprêmes de l’intérêt général ont enjoint l’Etat français de délivrer dans les 24 heures un visa à un Sénégalais vivant au Maroc. Les autorités le lui avaient initialement refusé sur la base de ses « antécédents migratoires », celui-ci ayant séjourné clandestinement en France en 2010.
Motif officiel de sa demande de séjour ? Son mariage… avec un homme de 35 ans de plus que lui. Or selon la loi fort bien surnommée « mariage pour tous », l’union de deux personnes de même sexe dont un ressortissant d’un pays où elle est illégale ne peut être célébrée qu’en France. Dans tous les autres cas où un couple réside à l’étranger, les autorités consulaires locales peuvent s’en charger. La loi sénégalaise définissant encore le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, celui de notre ex sans-papiers doit nécessairement avoir lieu sur le territoire français.
Si cette histoire démontre l’absurdité de la loi Taubira, qui crée en l’espèce une nouvelle inégalité entre hétérosexuels et homosexuels, elle laisse présager bien pire. Vu la différence d’âge entre le requérant et son futur époux, le ministère de l’Intérieur a exprimé des doutes quant à « la sincérité de l’union ». Extension du domaine du mariage blanc ? Le Conseil d’Etat a jugé que non et a sommé le ministère de verser 5 000 euros de réparation au requérant, puisqu’il travaille à Casablanca où il vit avec son compagnon, et ne compterait pas s’installer en France. N’empêche que techniquement, le regroupement homofamilial, c’est maintenant.
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