La fin de l’impression automatique du ticket de caisse à partir du 1er août est censée représenter un pas en avant pour l’écologie et la planète. Mais elle représente aussi un pas en avant pour Big Brother.
Ainsi, c’en serait fini du ticket de caisse. L’obtenir n’est plus automatique, il faut désormais le réclamer pour se le voir remettre. La demande n’est pas encore à formuler en trois exemplaires certifiés conformes sur l’honneur mais cela viendra certainement avant peu. L’alibi de cette trouvaille est bien évidemment écologique, ce bout de papier représentant, paraît-il, une grave menace pour l’environnement, à l’égal sans doute du pet des vaches. Le papier dont il est fait ne serait pas recyclable. On est capable d’aller sur Mars, ou presque, mais toute la science du monde serait impuissante à inventer un matériau écolo compatible pour nos mini additions de courses, de restaurants et de sorties.
Les bras nous en tombent. Donc, plus de facturette pour vérifier le prix des nouilles et de la croquette du chat. Si nous souhaitons accéder à ces données, il nous faut dorénavant, au minimum, être détenteur d’un smart phone, avoir contracté un abonnement auprès d’un opérateur, intégré à l’instrument les applications appropriées, et probablement celles de chaque enseigne commerciale fréquentée. Bref, il nous faut accepter de nous assujettir toujours plus au merveilleux univers de l’homo connectus et consentir à être toujours davantage livrés pieds et poings liés aux bienfaiteurs de l’humanité que sont les multinationales de la technologie la plus avancée. Donc, pour gérer son petit budget commissions on doit à présent en passer par là. C’est-à-dire dépenser pour un service qui était jusque-là gratuit, consommer de l’électricité, de la batterie, participer incidemment et insidieusement aux excellents résultats financiers de quelques fleurons de l’économie mondialisée.
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Au passage, on peut de surcroît s’interroger sur le bilan écologique et énergétique de la chose. Papier versus batterie, électricité, etc… le gain n’est peut-être pas aussi certain qu’on nous le serine. Pareillement, il n’est pas interdit de se poser d’autres questions, d’une autre nature, car ce qui était jusqu’alors remis de la main à la main et donc anonyme ne le sera plus, puisque envoyé à une adresse mail, donc à un destinataire parfaitement identifiable. Ainsi, il suffira à tel ou tel pouvoir bien intentionné, à tel ou tel lobby de s’infiltrer dans ces données pour connaître très exactement ce que Monsieur et Madame Dupont mangent, boivent, fument, jouent, parient, consomment. Bref, s’offrir une vue imprenable sur leur vie privée, sur leur quotidien. Et vous verrez qu’un jour prochain on nous expliquera que cette opportunité de flicage au plus serré est en réalité ce qui peut nous arriver de mieux. Un outil de prévention de santé publique d’où pourraient sortir un jour ou l’autre des messages du genre : « Attention, Monsieur Dupont, ce mois-ci vous avez forcé sur l’andouille de Vire, le Paris-Brest et vous avez dépassé de cinq flacons votre consommation habituelle de 12,5°. L’infarctus menace. Et accessoirement le classement dans la catégorie peu estimable des alcoolos en puissance, des addicts aux salaisons et à la crème pâtissière ».
Mine de rien, la suppression de ce petit bout de papier n’est pas aussi anecdotique, ni aussi innocente, qu’on pourrait le penser. Certes, on se fera un plaisir de prétendre que, au fond, il ne s’agit que d’un détail. Mais la sagesse populaire ne dit-elle pas que le diable se cache dans les détails ?
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