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Thomas Morales, une si douce sécession


Thomas Morales, une si douce sécession
Thomas Morales

 


Dans Paris-Berry, nouvelle vague, notre collaborateur et ami a recueilli ses chroniques du confinement parues dans Causeur. Avec quelques surprises en plus.


Thomas Morales, derrière son allure sage, a un secret. Il possède une machine à remonter le temps. Je ne sais pas comment il l’a fabriquée mais il n’y a pas d’autres explications. Comment, sinon, ce garçon né en 1974, voyagerait aussi aisément dans les années qui ont précédé sa naissance ou baigné sa petite enfance ? Comment, sinon, se souviendrait-il, par exemple, du roman de Pierre Kyria, Pierrot des solitudes, paru en 1979 et qui lui sert de prétexte à un éloge sensible des sous-préfectures du monde d’avant, celles qui n’étaient pas vampirisées par les zones commerciales les cernant d’un glacis impersonnel aux enseignes identiques. Ou encore d’où tient-il sa science des films de Lautner et d’Yves Robert quand  il donne l’impression de s’y être glissé comme figurant ?

Cette machine, il l’a cachée dans le Berry. Le Berry, c’est le Shangri-la de Thomas, la même contrée agreste que celle où Virgile faisait parler ses bergers. Il n’attend pas grand-chose du présent, Thomas. L’époque lui déplaît. Il cherche une tribu selon son cœur. L’Académie Française lui conviendrait, pas pour la gloire mais pour la compagnie, ce qui nous vaut un hilarant discours de réception au Quai Conti où l’irrévérence se mêle au respect. 

Contre le confort intellectuel

Quand le/la Covid-19 apparaît, il part dans le Berry retrouver sa machine. Il y aurait une histoire à faire des écrivains qui se réfugient dans le Berry. On sera reconnaissant à Thomas d’ailleurs, dès son titre, de rendre hommage à Frédéric Berthet, écrivain culte mort trop tôt en 2003 dont on a parfois parlé dans nos colonnes  et qui a donné un Paris-Berry merveilleux en 1993. La nouvelle vague annoncée par son titre est évidemment celle du virus : «  Et puis le Covid 19 est arrivé comme Zorro dans nos vies d’Occidentaux éclairés par le progrès. Et chaque semaine, il est venu contredire méthodiquement tout ce qui nous avait jusqu’alors structuré. Notre confort intellectuel en a pris un coup sur la tête. Nous en relèverons-nous ? ». À vrai dire, la question pour Thomas n’a guère d’importance. Il a  sa machine. Quand les tondeuses ne viennent pas lui rappeler dans le silence du confinement que le monde est définitivement trop bruyant, il se plonge dans Mon oncle Benjamin de Claude Tiller. 

Faire sécession

En fait, pour Thomas, le virus a été un révélateur. Celui de la nécessité pour celui qui ne veut pas devenir fou, misanthrope ou spleenétique, de faire sécession. Sans aigreur, calmement, en douceur. Jünger appelait ça le recours aux forêts. Les morts qu’il compte, pendant cet exil volontaire, ce sont ceux des grandes figures de la culture populaire pendant cette période, Uderzo et Manu Dibango et il leur rend un hommage sensible parce que « nos disparus méritent mieux qu’une comptabilité obscène. »

A découvrir, notre magazine de septembre: Causeur: qui menace nos libertés?

Cela n’empêche pas Thomas de s’intéresser, de loin, à notre temps. Il arrête sa machine, il lit les journaux, regarde les infos. Comme il sait que la colère est mauvaise conseillère et qu’il est plus poli d’être gai, il réfléchit à un film à sketches que tournerait Pascal Thomas, celui du Chaud lapin qui a donné une vision inoubliable d’une certaine douceur de vivre dans les années soixante-dix.

Comme un film à sketches

C’est la partie inédite de son livre, la succession de petits synopsis qui sont autant de Caractères de La Bruyère 2020 au temps de la Covid et qui scandent ses chroniques, comme des petits bijoux d’humour et de cruauté.

Mais l’important est ailleurs, malgré tout, redécouvrir un écrivain comme Pierre Lucin, allumer un barbecue, et refuser le jogging : « Depuis quatre semaines, je n’ai donc pas bougé une oreille. Par respect et pudeur pour les habitants de mon village, je n’ai pas enfilé de short, ni chaussé de baskets. Je sais bien que si le ridicule ne tue pas dans les ministères, à la campagne, le jet de pierres reste un sport encore assez pratiqué. Les vieux pétanqueurs visent juste. »

Paris Berry, nouvelle vague, de Thomas Morales (éditions de La Thébaïde).

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