L’homme politique néerlandais Thierry Baudet désespère ses compatriotes de droite qui voyaient en lui le digne successeur de Pim Fortuyn, assassiné en 2002. Des remarques interprétées comme antisémites et homophobes contribuent à sa marginalisation.
Entre idées farfelues, scissions, coups fourrés et un pu-putsch, le parti politique de Thierry Baudet, Forum voor Democratie, se réduit à l’insignifiance.
Le 23 septembre, au Parlement à La Haye, lors du débat de politique générale, M. Baudet admonestait des organisations juives néerlandaises “de ne pas s’approprier les souffrances pendant la deuxième guerre mondiale”. Il réagissait à leur demande de condamner le port de l’étoile jaune par des manifestants vaccinosceptiques. M. Baudet fait figure de leur porte-parole le plus important, même s’il ne va pas bien sûr jusqu’à porter l’étoile lui-même ! Mais il soutient ceux qui, comme lui, voient des similitudes entre les restrictions liées au Covid-19 et les mesures prises contre les Juifs pendant l’Occupation. “La guerre n’appartient pas à certains groupes ou à certaines ethnies” a ajouté M. Baudet en guise de réponse aux organisations juives. Ce qui revient, selon les détracteurs du député, à accuser les Juifs d’exagérer leur souffrance au détriment d’autres victimes.
Des provocations décriées
Dans un tweet récent, M. Baudet avait écrit Holocauste sans majuscule, ce qui pourrait être une erreur d’orthographe innocente, mais de plus entre guillemets, ce qui l’est moins. Il a eu beau dire que sa fiancée était juive, et qu’il s’entraînait à la gym dans un T-shirt de Tsahal, le mal était fait. C’est tout comme si le leader politique ne voulait rater aucune occasion d’encourir des reproches d’antisémitisme!
Ajoutez à cela que M. Baudet vient de qualifier un journaliste d’ »homo » (parce que ce dernier respectait les règles sanitaires au Parlement qui déconseillent les poignées de mains), et son projet fantasque de construire une communauté d’adhérents composée de ses dévoués, et l’image d’un intellectuel perdant le Nord se concrétise. M. Baudet est un récidiviste. En mai, il avait déjà choisi le jour où les Néerlandais commémorent solennellement leurs morts pendant la Seconde Guerre mondiale pour comparer l’occupation nazie aux restrictions anti-Covid. “Et dire qu’on aurait pu jouer un rôle politique de premier plan!” se désolait alors un ex-dirigeant de Forum voor Democratie qui, las de ces provocations, forma son propre groupuscule parlementaire.
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Dandy comme Pim Fortuyn (mais hétéro), francophone et francophile, ancien professeur d’université âgé de 38 ans, ex-chroniqueur dans la presse dite de qualité, romancier et pianiste de talent, Thierry Baudet avait tout pour détonner favorablement dans le monde politique néerlandais empreint de conformisme. La presse néerlandaise s’était graduellement mise à le détester. Fin 2017 M. Baudet fut élu homme politique de l’année par un programme de la télévision publique, pourtant qualifiée par l’heureux lauréat d’organe de propagande gauchiste !
Tombé de haut
En mars 2019, Forum fit sensation en gagnant les élections provinciales, lui donnant le groupe le plus important au Sénat. Est-ce-que ce triomphe inattendu lui monta à la tête? Dans son discours de victoire, cette nuit-là, M. Baudet se servait d’un sabir pseudo-savant, exalté et difficilement compréhensible pour le commun des mortels. Au point d’écœurer ses plus proches collaborateurs, qui lui reprochaient de ne pas s’être tenu dans son heure de gloire aux thèmes de prédilection de son électorat : halte à l’immigration ou à l’architecture moderne, défense de la culture néerlandaise contre la culture de contrition et sortie de l’Union européenne.
À mesure que s’approchaient les élections législatives de mars 2021, ses frasques ont commencé à inquiéter ses fans. Certains sondages prévoyaient pourtant un groupe Forum plus fort que jamais avec plus d’une vingtaine des 150 sièges de la Chambre Basse. Avec la petite vingtaine prévue pour le parti de M. Geert Wilders, plus ‘populo’ que l’érudit M. Baudet, les sondeurs tablaient sur un bloc de la droite dure incontournable. Faisant fi des conseils de mettre un bémol à toutes ses outrances, pour ne pas torpiller la victoire annoncée, M. Baudet menaça d’exclusion tous ceux qui n’étaient pas de son avis.
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Son parti explosa quand des têtes pensantes de Forum firent sécession lors d’une réunion destinée… à resserrer les rangs. Il y eu ensuite encore une autre sécession, suivie d’une tentative de ‘putsch’ contre M. Baudet par les occupants du siège du parti à Amsterdam, et une tonitruante démission du leader, lequel se ravisa le lendemain… En toute logique, les Néerlandais se sont lassés de ce mauvais feuilleton et peu avant les législatives, les sondages ne donnaient plus un kopek pour ce qui restait du Forum.
Le coronavirus vint toutefois à la rescousse de M. Baudet, qui sut s’ériger en champion national efficace des vaccinosceptiques et qui, pendant la campagne électorale, voua à peine quelques mots à ses marottes anti-immigration d’antan. Sur les décombres du Forum, M. Baudet obtint tout de même huit sièges, réduits à cinq à la suite de nouvelles provocations vomies même dans son dernier carré de fidèles. Thierry Baudet s’inspirerait-il du très estimé Jean-Marie Le Pen, selon lequel un FN “gentil” n’intéresserait personne ? L’autre jour, M. Baudet semblait effectivement lui emboiter le pas en affirmant dans un tweet: “Notre parti sera controversé, ou ne sera pas.”
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