Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. (Évangile selon Saint-Jean 3-8)
Écrivain mondain et dandy, plus enclin aux plaisirs de la nuit qu’à réciter des psaumes ou prier, Thibault de Montaigu[tooltips content= »auteur des romans Les Anges brulent, Un jeune homme triste, Zanzibar, Voyage autour de mon sexe« ](1)[/tooltips], jeune hussard brillant, possédant un véritable talent littéraire et un certain sens de l’outrance – de la provocation diraient les bonnes âmes – ne semblait jusqu’à la publication de ce nouveau roman La Grâce, récompensé par le Prix de Flore 2020, ni posséder le sens du sacré ni celui de la révélation divine.
Surgissement de la Grâce
Vivant avec son épouse et ses enfants à Buenos-Aires, entré dans une phase de dépression, il décide sur les conseils de Margarita, la psychothérapeute qu’il consulte, de s’attaquer à l’écriture d’un nouveau livre sur un sujet qui l’obsède, la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès meurtrier diabolique de toute sa famille. Il décide pour cela de suivre les traces du criminel, de son possible passage voire de sa présence dans un monastère, celui de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux dans le Vaucluse.
Seul, perdu, complétement étranger à la présence de Dieu en ce lieu, il écrit, noircit des feuilles comme il dit, lorsque la cloche annonçant les complies, dernier office du soir, sonne, une seule fois. Il sort et se rend dans la chapelle et tout à coup, sans prévenir, au milieu des prières et psaumes, la Grâce surgit, lumineuse.
A lire aussi, Pascal Louvrier: A lire, de grâce!
À ceux qui penseraient qu’il s’agit d’un artifice ou d’une mystification, d’un beau sujet de livre insincère, j’affirme sans hésitation que La Grâce est un roman d’une vérité abrupte, à l’écriture limpide et cristalline, crue parfois mais toujours pleine d’attention et de douceur même dans les moments où pudeur et impudeur se côtoient.
Comme une enquête policière
Thibault de Montaigu conduit son récit passionnant comme une enquête policière. C’est un texte fort comme un roman mystique sur un chemin de foi, déconcertant et austère, ardu et clair. La grâce de l’auteur passe par sa conversion dans ce monastère mais bien plus par la force de son enquête sur l’itinéraire de vie et le tortueux et beau chemin parcouru par son oncle, Christian, pour devenir un moine franciscain.
La Grâce est un roman magnifique et fascinant par le double miracle de la foi qu’il révèle, celle qui touche l’auteur au même âge que son oncle Christian, 37 ans. Imprégné par la charité que le poverollo Saint François d’Assise enseignait avec simplicité et par l’amour glorieux de Sainte Marie-Madeleine pour le Christ, ce récit d’une conversion réelle devient matière littéraire, comme chez Saint Augustin, Huysmans, Bourget, Claudel. Montaigu nous parle de l’Incarnation dont Péguy dit dans Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, que c’est “La plus grande histoire du monde./ La plus grande histoire de jamais./ La seule grande histoire de jamais.” Il nous donne à entendre et comprendre la force spirituelle d’un parcours religieux – malgré le doute et les souffrances – entièrement tourné vers l’Espérance et l’Amour profond du Christ pour les pauvres ères. Le vent souffle où il veut.
La Grâce de Thibault de Montaigu, Plon.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !