En 2011, la plupart des Français ont découvert la théorie du genre. En entrant dans les manuels scolaires des lycéens, celle-ci a été accueillie plutôt froidement par l’opinion publique. Cette théorie est née dans les années 1970 aux États-Unis où certains universitaires se sont consacrés à l’étude des différences sociales entre les hommes et les femmes.
Les féministes s’employaient alors à questionner les notions de « sexe » et de « genre » afin de mettre en lumière la construction des rôles sociaux dits « naturels ». Le sexe ne serait en quelque sorte qu’un « porte-manteau » sur lequel se construiraient, sociologiquement, certaines différences culturelles.
Jusqu’ici, me direz-vous, rien de bien méchant. La théorie des genres se fait plus séduisante lorsqu’elle prône une totale déconstruction du lien sexe/genre et des catégories « genrées ». Il s’agit de faire une place égalitaire aux situations qui ne trouvaient pas leur place dans les catégories historiques. On parle alors de « théorie queer ».
Depuis, cette théorie n’occupe plus seulement les bancs universitaires mais s’installe de plus en plus confortablement dans les organisations internationales et les assemblées parlementaires. Ainsi, la théorie du genre s’est immiscée dans le droit français en prenant des détours… européens. Les eurodéputés usent en effet depuis plusieurs années de leur influence pour promouvoir l’égalité des genres.
Initialement, l’article 2 du Traité sur l’Union européenne dispose que « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, ... »
Or, dans la résolution du 12 décembre 2012 sur la situation des droits fondamentaux dans l’UE, les parlementaires européens ont légèrement reformulé cet article. Ils considèrent que ce dernier « fonde l’Union sur une communauté de valeurs indivisibles et universelles de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de genre« .
Cette résolution emploie le terme « genre » pas moins de 22 fois. De quoi confirmer les propos de l’eurodéputée Élisabeth Monfort qui dispose que, au niveau des institutions européennes, le mot gender s’est imposé et a absorbé le mot sexe. Et un rapport « sur l’élimination des stéréotypes liés au genre dans l’Union » est actuellement en cours de discussion au sein de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres.
Si les institutions européennes ne s’en tiennent aujourd’hui qu’à de simples déclarations d’intention, il en va différemment du Conseil de l’Europe, chargé de l’application de la Convention européenne des droits de l’homme. Le 11 mai 2011, les membres du Conseil de l’Europe ont adopté la Convention d’Istanbul ou Convention « sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ». Cette Convention, signée à ce jour par 24 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, entrera en vigueur dès lors que dix pays l’auront ratifiée.
Elle pose en droit la définition du concept de genre et reconnaît « que la nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre ». Les États se sont engagés à entreprendre « les actions nécessaires pour inclure dans les programmes d’étude officiels et à tous les niveaux d’enseignement du matériel d’enseignement sur des sujets tels que l’égalité entre les femmes et les hommes, les rôles non stéréotypés des genres ».
On retrouve donc ici le fondement idéologique commun au rapport sur les « Orientations stratégiques pour les recherches sur le genre » remis au ministre de l’enseignement supérieur, ainsi qu’au récent amendement adopté par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale intégrant dans les missions de l’école primaire « les conditions à l’égalité de genre ». Ce constat permet de mettre en lumière le faux clivage partisan qui semble entourer cette question: la théorie du genre semble avoir séduit aussi bien la gauche que la droite française.
En 2010, une proposition de loi « renforçant la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes » était déposée par des députés de gauche comme de droite. Adoptée le 9 juillet 2010, la loi désormais « relative aux violences faites spécifiquement aux femmes » reconnaît pour la première fois le concept de violence psychologique, en s’appuyant sur la « violence de genre ».
Même si elle n’est pas directement nommée, la théorie du genre imprègne très largement le projet de loi relatif au mariage pour tous. La création des catégories de « parent 1 » et « parent 2 », ouvrant la reconnaissance de la filiation homosexuelle, efface la répartition des rôles sociaux fondés sur le sexe telle qu’elle existe dans les statuts distincts de « père » et « mère », jugés trop « biologiques » donc désormais tabous.
Et la déferlante de la théorie du genre n’est pas près de s’arrêter, une proposition de résolution parlementaire déposée le 7 décembre dernier préconise même « la création d’une commission d’enquête sur l’introduction et la diffusion de la théorie du gender en France ». Comment résister à une injonction écrite en si bon français ?
Retrouvez cet article dans sa version originale sur le blog de Magali Pernin.
*Photo : mag3737.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !