On se souvient du parfum de scandale qui entoura la sortie du Petit Livre bleu d’Antoine Buéno. Il y a un an, celui-ci s’attirait les foudres des schtroumpfophiles (comment les appeler schtroumpfement ?) outrés de voir le petit monde enchanté de Peyo repeint sous les traits peu reluisants du totalitarisme. Les Schtroumpfs, ou l’antichambre de la société stalino-nazie, telle était la décapante thèse de Buéno, moyennant quelques extrapolations et un brin de mauvaise foi, aujourd’hui totalement assumée, pour enrober le tout.
En ce mois de juin, Antoine Buéno se mue en saltimbanque sur les planches du théâtre des Déchargeurs pour présenter sa démonstration au public dans Politiquement schtroumpf. Le prélude du spectacle revient sur les tombereaux d’injures qui ont accompagné la sortie de l’essai, certains menaçant d’en venir aux mains pour défendre les mangeurs de salsepareille contre l’infâme blasphémateur !
Armé d’un argumentaire bien rodé, l’auteur-acteur démontre avec force exemples en quoi le village-champignonnière des Schtroumpfs combine les traits saillants d’une communauté bolchévique racialisée. En habile faquin, Antoine Buéno s’aide de la pétulante schtroumpfette, incarnée par la facétieuse Anne Bouillon, et de deux comédiens grimés en bleu pour figurer cette population autarcique.
Une schtroumpfette décérébrée produite par le « cosmopolite » Gargamel flanqué de son chat Azraël, une société uniformisée conduite par un Guide suprême indéboulonnable : n’en jetez plus, voilà le décor totalisant joliment planté.
Un esprit tatillon nuancerait le propos en arguant que le totalitarisme est un individualisme qui manipule des masses d’individus atomisés en les recomposant. Au risque de la balourdise, on notera que l’analyse de Buéno doit plus à l’utopie corporatiste du national-bolchévique allemand Ernst Niekisch qu’au précédent stalinien.
Mais au diable la rigueur historique, l’essentiel est de se payer une bonne tranche de rigolade d’un bout à l’autre de la soirée. Le contrat s’avérant pleinement rempli, comme on dit chez moi, viendez !
Politiquement schtroumpf, prochaines représentations les 19, 20 et 28 juin à 21h30 au théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !