On achève bien les chevaux. Je ne vois pas pourquoi on aurait d’autres manières avec les années. Il n’y a qu’à parcourir les rétrospectives qui fleurissent ces jours-ci dans nos journaux, comme les marronniers essaiment leurs derniers fruits une fois l’hiver venu, pour s’en convaincre : 2010 fut une année de merde. Je corrobore.
Tout a commencé au mois de janvier quand un médecin, qui visiblement n’avait pas tiré son diplôme de cancérologue d’une pochette surprise, annonça à Oskar Lafontaine et à moi-même que nous avions décroché le gros lot. J’en fus quitte pour un nichon – ils m’ont ôté le droit, afin de respecter mes convictions qui me portent politiquement à gauche. J’ignore ce qu’ils ont retiré à Oskar. J’espère simplement que l’ancien leader de Die Linke n’a pas piqué son postiche à Mélenchon et qu’il se sera fait confectionner une perruque de cancéreux qui vous fait passer toute citoyenne normale pour une juive orthodoxe. Ça nous apprendra, somme toute, à ne pas avoir versé, des années durant, notre obole à l’ARC : on ne vit pas impunément !
Janvier : tremble comme tu veux
Janvier 2010 fut un mois calamiteux. Tremblement de terre à Haïti, tremblement de tête à l’Elysée avec l’acquittement de Dominique de Villepin, tremblement de cils à Berne avec la levée du secret bancaire pour les citoyens américains : ce fut le mois de tous les tremblements. Mais le tremblement le plus terrible fut certainement, le 1er janvier 2010, la nomination de Herman van Rompuy à la présidence du Conseil européen. C’est la première fois que l’Union européenne se dote d’un président du Conseil et ils n’ont rien trouvé de mieux que d’embaucher une tête à claques native. Je sais : c’est pas beau de s’en prendre au physique des gens. C’est ce que j’ai dit au chirurgien avant qu’il ne me charcute le nibard droit. Mais avouez que nous avons tous eu, dans notre enfance, un Herman Van Rompuy que l’instinct cancre nous commandait de baffer sans vergogne. C’est lui qui pointait le doigt bien haut quand la maîtresse interrogeait la classe, c’est lui qui jamais ne se mettait les doigts dans le nez, c’est lui qui dénonçait ses petits camarades. Et c’est lui, enfin, qui finissait régulièrement, derrière ses petites lunettes, son air pincé, à pleurer dans les toilettes parce que les garçons lui avaient passé la bite au cirage.
Février : les blagues les plus courtes sont toujours les plus brèves
Le mois de février 2010 fut le plus ennuyeux qui soit. Il ne dura, fort heureusement, que 28 jours et fut distrait, sur la fin, par la tempête Xinthia. Fort heureusement pour les rédactions qui ne se voyaient pas éditorialiser ad libidum sur les élections ukrainiennes et l’opposition entre Ianoukovytch et Tymonchenko.
Mars : t’as pas idée des ides
On lui avait pourtant dit : « Méfie-toi des ides de mars. » Le président Sarkozy n’en fit, comme à son habitude, rien qu’à sa tête et perdit toutes les régions. Enfin, toutes les régions, sauf une : l’irréductible Alsace. Que les sarkozystes aient, dans leur défaite, le triomphe modeste : on n’a pas encore su déterminer si l’Alsace était une région ou un Land. Merkel se pose aussi la question.
Avril : ne perds pas le fil
« En avril, ne te découvre pas d’un fil. » La leçon fut si bien retenue par l’Islande que son volcan Eyjafjöll couvrit l’Europe entière d’un voile de poussière, empêchant tout avion européen de décoller, au grand dam des aiguilleurs du ciel et du personnel naviguant d’Air France qui n’avait même pas déposé de préavis de grève. Les pauvres ne s’en sont pas encore remis. Notons que l’éruption de l’Eyjafjöll reste le seul apport de l’Islande à la culture européenne et à la civilisation humaine. Certainement le dernier. Du moins, on l’espère.
Mai : va te faire voir à Metz
Quand on songe qu’en France l’ouverture de l’annexe du Centre Pompidou à Metz a suscité plus d’articles de presse que celle de l’Exposition universelle de Shangaï (République populaire de Chine), on a de quoi relativiser.
Juin : fume des joints
Juin 2010 restera dans les annales comme le mois qui a vu triompher l’esprit d’équipe, le fair-play, la sportivité. C’est, en effet, ce mois-là que l’Equipe de France de balle au pied (football pour les intimes de la langue de Shakespeare) a montré toute sa valeur.
Juillet : bois pas du petit lait
Tout a commencé lorsque la Belgique prit la présidence tournante de l’Union européenne. Un pays sans gouvernement prenait la tête d’une organisation sans but ni projet. Comme si ce grand mal ne suffisait pas, il fallut couronner le tout : pas de garden-party à l’Elysée ! Il fallait se rabattre sur les bistrots du VIIIe pour se pochetronner le 14 juillet.
Août : qui n’est russe redoute
Quiconque a eu un père ou un grand-père envoyé en 1943 sur le front de l’Est le sait : la Russie, ça caille. Eh bien non ! Les réchauffistes climatiques ont raison : la Russie, c’est hyper chaud. Les Maldives ne valent pas la Sibérie. Le 29 juillet 2010, Moscou connut les plus hauts degrés Celsius de son histoire : plus de 38° ! Même sous Staline, le rouge ne titrait pas si fort.
Septembre : au pot de chambre !
Ce fut, dans nos journaux, l’événement le plus infime de l’année. Mais certainement le plus important du millénaire commençant : des scientifiques découvraient Gliese 581 g, une exoplanète appartenant au système solaire Gliese 581 et susceptible d’accueillir des formes de vie. En quelque sorte, le point G de Gliese permettrait à l’humanité d’échapper à son triste sort lorsque, d’ici 5 milliards d’années, le soleil aura fini d’exister. La nouvelle n’échappa pas à l’oreille écologique et attentive de mon mari Willy : il est prêt à faire ses valises pour pratiquer la lombriculture sur Gliese 581 g. C’est parfois pénible d’avoir épousé un con.
Octobre : pas d’opprobre
Le mois d’octobre 2010 reste signalé à notre mémoire comme l’accession de Liu Xiaobo au prix Nobel de la paix. Excusez-moi un instant : depuis 2003, cet énergumène préside le Centre chinois indépendant PEN. On peut dire donc que c’est un péniste. Et franchement, les lepénistes chinois méritent-ils le prix Nobel de la paix ?
Novembre : le Fillon du membre
Rien ne s’est passé, en novembre 2010, dans le monde. Rien à l’exception du remaniement qui a affecté le gouvernement français. Extraordinaire. Comme la moule accrochée à son rocher (les mois en -re sont recommandés pour les fruits de mer), François Fillon succédait à François Fillon. Et comme le nouveau Premier ministre n’avait rien à dire, il s’envoya lui-même le dire à sa place, au cours d’un discours de politique générale qui s’inscrira dans les annales comme un modèle du genre. Pas les annales gouvernementales, les annales du poker menteur.
Décembre : plus de rime en membre
Le mois de décembre 2010 a vu un véritable triomphe de la démocratie : Alexandre Loukachenko a été réélu président de Bélarus à la quasi-unanimité des suffrages. Moi, j’aime bien Loukachenko : il a une petite moustache, des idées arrêtées, mais il n’est pas allemand. Ça nous rappelle quelque chose, mais ça nous change.
L’année 2010 fut déplorable. Rassurez-vous : l’année 2011 ne le sera pas moins. Ainsi va la vie. Le meilleur à tous les Causeurs. Et plus si affinités.
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