(Avec AFP) – Un bateau transportant environ 300 migrants rohingyas dérive actuellement au large des côtes thaïlandaises, avec à son bord des hommes, des femmes et de nombreux enfants. Sur l’embarcation, les migrants ont accroché un drapeau noir sur lequel a été inscrit à la hâte en anglais: « Nous sommes des Rohingyas de Birmanie », tandis qu’une grande bâche avait été tendue pour protéger les migrants, la plupart très maigres, du soleil.
Chaque année, des dizaines de milliers de candidats à l’exil transitent par le sud de la Thaïlande, vers la Malaisie et au-delà, pour fuir la pauvreté au Bangladesh ou la violence dans le cas des Rohingyas de Birmanie, minorité musulmane considérée par l’ONU comme l’une des plus persécutées au monde. « Environ 10 personnes sont mortes au cours du voyage. Nous avons jeté leurs corps dans l’eau », a hurlé en rohingya l’un des migrants aux journalistes dans un bateau à proximité. « Nous sommes 300… nous sommes en mer depuis deux mois. Nous voulons aller en Malaisie mais nous n’avons pas réussi à atteindre le pays », a-t-il ajouté entouré de dizaines de femmes et d’enfants dont certains en bas âge.
Depuis quelques jours, les organisations internationales ont alerté sur le sort de milliers de migrants en perdition en mer après avoir été abandonnés par leurs passeurs, qui craignent la nouvelle politique répressive de la Thaïlande, traditionnelle voie de passage pour les filières clandestines.
À proximité du navire, la marine thaïlandaise essaie de retrouver des migrants perdus en mer, sans prendre modèle sur la police des frontières italienne, également confronté à un afflux inédit de migrants ces dernières semaines. Alors que le mythe d’une « Europe forteresse » hante les mauvaises consciences occidentales, la Thaïlande, l’Australie – traditionnellement rétive à l’immigration, malgré son histoire – et plusieurs autres puissances du Pacifique ont récemment durci leur conditions d’accueil. A contrario, l’Union européenne réfléchit aux modalités de séjour des réfugiés libyens, syriens, ou africains arrivés en Italie ce printemps. Le président de la Commission européenne a proposé que chaque Etat membre accueille un quota d’immigrés clandestins, pour répartir cette charge de manière équitable. Mais le Premier ministre britannique David Cameron, auréolé de sa réélection, a opposé une fin de non-recevoir aux instances européennes dans la missive anti-immigration qu’il leur a expédiée. « Je suis en désaccord avec Federica Mogherini (la chef de la diplomatie européenne) quand elle soutient qu’aucun migrant ou réfugié intercepté en mer ne sera renvoyé contre son gré », a enchéri la ministre de l’Intérieur britannique Mme May.
Apparemment, les Tories ont fait des émules à Bangkok. Sans jeter ces pauvres hères à la mer, il est toujours possible de les renvoyer dans leur pays par des moyens policiers, tout en faisant pression sur les autorités birmanes pour qu’elles leur réservent un sort meilleur. Mais cette option choquera certainement les âmes généreuses avec le territoire des autres. On attend ainsi avec impatience les prochaines manifestations de SOS Droit d’asile, RESF et autres assoces sans-frontièristes en signe de protestation contre l’égoïsme – et l’islamophobie ? – thaïlandais. En somme, le Siam est peut-être le dernier refuge du rocardisme : une terre accueillante assez raisonnable pour s’avouer qu’elle ne peut accueillir toute la misère du monde…
*Photo : © AFP CHRISTOPHE ARCHAMBAULT.
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