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TF1, une chaîne de gauche comme les autres?

Beaugrand, Barthès, Belattar sur le groupe TF1


TF1, une chaîne de gauche comme les autres?
Yann Barthès, "Quotidien" diffusée par TMC et TF1

On ne fait plus à TF1 le procès d’être une chaîne « de droite ». Et pour cause…


Commérer sur les nouveautés de la rentrée télé, exercice futile ? Un peu. Mais le poids de la télé va croissant dans la « fabrique de l’opinion ». Par exemple, les débats quotidiens de « C dans l’air » sur France 5 frisent les 2 millions de téléspectateurs quand la diffusion du Monde plafonne péniblement autour de 200 000 exemplaires. Du coup, impossible de dire si la sympathique Françoise Fressoz est une éditorialiste de « C dans l’air » qui publie aussi des articles dans Le Monde, ou si elle est une journaliste du Monde qui intervient sur France 5 forte de cette légitimité.

Hugo Clément à la place de Jean-Pierre Pernaut ?

Tout ça pour dire que la gauchisation culturelle bien entamée de TF1 peut inquiéter. Il y a 10 ans, Télérama consacrait au moins une fois l’an un dossier à charge, lui prêtant mille et une coupables intentions droitières avec ses JT focalisés sur l’insécurité. Le patron de TF1 de l’époque avait révélé dans leurs colonnes qu’il devait « vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible ». C’était l’aveu terrible d’une soumission au capital qui ne pouvait qu’être l’oeuvre de l’idéologie droitière la plus nauséabonde. Cet âge semble révolu. Le transfert de Yann Barthès (et de sa troupe éprise de pluralisme politique) depuis Canal + vers la « boite à cons » en a été l’illustration récente la plus remarquable.

En cette rentrée télé 2018, je me branche sur Jean-Pierre Pernaut. L’impatience des retrouvailles avec le taulier… Première déconvenue : la musique du générique a changé. Criminel ! L’air anxiogène si connu (et en place depuis des années pour annoncer les pires nouvelles et conditionner les foules au vote de droite) a donc été retravaillé avec des synthés beaucoup plus… apaisants.

Des vétilles encore me direz-vous ? Pas forcément, l’observateur clairvoyant le sait : on commence par changer la musique du 13 heures, puis on plonge Pernaut et Dhéliat dans un nouveau décor futuriste où les malheureux vieux peinent à trouver leurs marques… Moyens aussi habiles que sournois de préparer enfin leur remplacement par Hugo Clément. Je vous aurais prévenus.

Diallo, Miller, Belattar sur LCI

Les nouveaux intervenants de la chaîne info du groupe confortent cette anxieuse prémonition. L’arrivée (sur LCI) du psychanalyste insoumis Gérard Miller – pourquoi pas – a été annoncée en même temps que le recrutement plus problématique de Rokhaya Diallo, militante tourmentée du sparadrap pour gens de couleur ou de Yassine Belattar, chargé de l’apaisement des banlieues par Macron et à qui certains prêtent – non sans quelques indices – les visées les plus scélérates. Pas grave, l’Obs se réjouit que LCI devienne une « machine à clashs ». Original ! Rien ne vaut apparemment des intervenants « controversés », et puis la République c’est un vieux machin. Cynisme ou irresponsabilité ?

Comment en est-on arrivés là ? Déjà, il a fallu baisser considérablement le niveau. LCI était jadis une chaîne du câble pépère (et de qualité) enchaînant en continu 10 minutes de journal et 20 minutes de magazine. Avec l’arrivée de concurrentes (I>télé puis BFMTV), la chaîne devenue gratuite s’est transformée en un indigeste et continu talk-show, où Audrey Crespo-Mara, l’une des pires incarnations de la chaîne, entourée de ses chroniqueurs eux aussi « controversés », passe son temps à exploser de rire la tête en arrière.

La retranscription fidèle de cet échange de deux programmateurs de TF1 pendant un jour de l’été achèvera de vous convaincre de cette alarmante baisse de niveau :

– Hé coco, il faut booster la matinale en recrutant une tête d’affiche de TF1. La sagace Pascale de la Tour du Pin nous a coûté un pognon de dingue mais personne ne la regarde !

– Tu pensais à qui, Jean-Pierre Foucault ?

– Je pensais plutôt à Christophe Beaugrand, il est si haut en couleur…

– Tu n’es pas sérieux, il est plus niais encore que l’autre bécasse !

– Justement !

Christophe Beaugrand promu

Ainsi fut entérinée l’absence de tout crédit qui resterait à la matinale. Au programme: « Ça va faire du bruit ». Le plus souvent, cette chronique est un énième recyclage des épiphénomènes les plus bouffons que les réseaux sociaux du web ont déjà classé la veille pour notre trublion pro-GPA à ses heures perdues (s’ils étaient plus modestes, les génies de LCI auraient pu nommer cette chronique de foire « J’ai regardé Twitter hier soir »).

Première chronique : Beaugrand présente les photos volées publiées par Voici de Macron à la mer. Analyse de notre brocanteur de buzz : Macron va baisser dans les sondages, parce que les Français ont pas payé la piscine de Brégançon pour qu’il aille à la plage quand même. Bonjour le niveau ! Citoyen qui va à la machine à café discuter de ce que LCI t’a dit que « ça allait faire du bruit », je te plains. LCI ne trie plus le bon grain de l’ivraie.

Lots de consolation : Geoffroy Lejeune, le boss soyeux de Valeurs actuelles qui cherche à garder sa réserve dans tout ce cirque, et les entretiens et analyses politiques prudentes de Christophe Jakubyszyn, dont le nouveau sourire donne en outre immédiatement envie au téléspectateur de se remettre au piano. Ils ne seront pas trop de deux pour tenter de rattraper toutes les fausses notes des autres et sauver cette matinale en plein naufrage.

C’était mieux avant !

Dimanche soir, alors que tout le monde avait zappé sur M6 pour le foot, Anne-Claire Coudray lance un sujet sur l’ouverture de la chasse dans son journal de 20h. Enfin un reportage pour l’électorat rural droitard ? Perdu, c’est pour mieux dénoncer en fin de sujet l’absence de parité parmi les chasseurs (seulement 2% des permis de chasse sont détenus par les femmes, vous vous rendez compte ?). Retour ensuite en plateau où Coudray se félicite que les « progrès » du féminisme soient arrivés au Japon: « Au pays des geishas, les femmes commencent elles aussi à gagner très bien leur vie, et ce n’est plus un tabou pour elles de payer pour quelques heures de romantisme ». S’en suit un reportage atroce dans un bordel de Tokyo où d’affreux gigolos japonais androgynes et boutonneux se disputent les faveurs de vieilles peaux tout en se logeant dans de sinistres petits studios. Pas de morale ici, les tokyoïtes font bien ce qu’ils veulent avec leur argent et leur libido. Mais aurait-on imaginé une seconde Coudray faire la même risette pour un reportage présentant de riches hommes recourir à d’authentiques geishas ? Au diable les tabous, pas vrai ? Non, TF1 a bien changé. Les plus vils divertisseurs d’autrefois sont partis rejoindre le bestiaire de C8, sorte d’asile – aux deux sens du terme – pour vieilles gloires télévisuelles (Carole Rousseau, Cauet, Patrick Sabatier, Vincent Lagaf’, etc.). Eux au moins ne se piquaient pas d’être « irrévérencieux » ou « disruptifs »…

Enlevez-nous aussi ce rose qui est venu s’immiscer sur le logo de TF1, véritable insulte au drapeau national ! En contrepartie, nous autres gens d’esprit et de goût nous engageons à regarder les crossovers de cauchemar entre « Joséphine Ange gardien » et « Camping Paradis ». Le groupe TF1 est en péril : Stéphane Bern et Jean-Pierre Pernaut seraient bien inspirés de se pencher sur le cas de ce bijou du patrimoine culturel français.



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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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