Entre le tueur de Christchurch et les terroristes islamistes, les points communs sont nombreux. Ceux deux espèces d’assassins de masse se ressemblent plus qu’elles ne le pensent.
Le monde s’est réveillé, vendredi 15 mars, sur une atroce tragédie. un bilan provisoire fait état de 50 morts et d’une trentaine de blessés lors d’attaques perpétrées contre deux mosquées situées à Christchurch, deuxième plus grande ville de Nouvelle-Zélande.
Les autorités ont rapidement procédé à l’arrestation de quatre personnes. D’après les déclarations de la police néo-zélandaise, le tireur serait Brenton T., un Australien de 28 ans, qui se décrit comme un citoyen de la classe moyenne.
Les frères siamois du chaos
Peu de temps avant de passer à l’acte, l’assaillant présumé avait publié sur les réseaux sociaux un « manifeste » dans lequel il expose ses motivations. Il explique que son geste était une réponse aux attentats commis par le terrorisme islamiste. L’individu a été qualifié par le Premier ministre australien, Jacinda Arden de « terroriste extrémiste de droite ».
Plus je méditais sur la question, plus je trouvais que le terroriste suprématiste et le terroriste djihadiste étaient les deux faces de la même médaille ; la radicalisation, puis le passage à l’acte, suivent la plupart du temps le même processus. Des dénominateurs communs émergent aussi dans les différents récits : sentiments extrêmes de frustration, d’impuissance, voire d’injustice.
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J’ai parfaitement conscience que ce genre d’affirmation est loin de faire consensus, et pourrait me valoir la foudre de ces deux pôles, qui se pensent opposés, mais c’est néanmoins la vérité : ils se ressemblent et partagent beaucoup plus de valeurs qu’ils ne le pensent, leurs visions étriquées du monde finissent par se rejoindre.
Le même système de pensée
Si on se demande à quoi ils rêvent, quelles sont leurs motivations profondes ou les processus qui les poussent à passer à l’acte, on peut aisément constater que le terroriste suprématiste et le terroriste djihadiste sont mus par des forces identiques, qui répondent à des mécanismes ressemblants. En gros, ils rêvent et veulent pratiquement la même chose.
Les deux fantasment une société idéale où la « pureté de la race » serait préservée, l’Autre, surtout s’il ne nous ressemble pas, est forcément une menace. La société rêvée est uniforme, aucune différence ne viendrait en troubler l’ordre.
Les deux se sentent menacés par un monde qui va trop vite, inadaptés et mal à l’aise, ils ont peur de se « diluer » dans cette ère moderne et effrayante.
Leur propension à relayer et à croire certaines théories du complot sont un autre point commun, l’un est obsédé par les théories du « grand remplacement », et l’autre est obsédé par l’idée selon laquelle l’Occident conspire contre lui comme il respire.
Leur fin est proche
Voilà pourquoi ils sont de grands nostalgiques, ils rêvent le retour d’un âge d’or passé, parfois réel, mais le plus souvent mythique et idéalisé. Le djihadiste rêve d’un retour au Califat, pensant que le monde musulman va retrouver sa gloire passée, peser dans la balance mondiale, faire partie des nations dites « puissantes ».
Tandis que dans l’imaginaire du suprématiste, les nations occidentales sont à l’agonie, celles-ci seront bientôt envahies par les hordes barbares, il souhaite restaurer la grandeur passée du « monde chrétien », faire renaître des figures historiques négligées. Brenton T, le terroriste présumé de Christchurch, est un grand admirateur de personnages de l’histoire militaire qui ont combattu les forces ottomanes aux XVe et XVIe siècles. Il est troublant de voir que les deux souhaiteraient ressusciter le temps des croisades.
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Les deux pensent qu’un système totalitaire et autoritaire serait la réponse, ils rêvent d’un nouveau monde bâti sur les gloires passées, et sont attirés par la réhabilitation d’une société forte et virile, par l’image de l’homme puissant et agissant, d’ailleurs, il est intéressant de voir que les deux partagent une misogynie manifeste et incontestable.
La théorie du chaos nécessaire
Les deux nient aux autres le droit d’exister et considèrent que le meurtre n’est qu’une formalité, ils suivent le même processus qui ôte toute humanité à ce qui ne leur ressemble pas, l’autre est un être inférieur et indigne. Dans leurs effrayantes visions d’une réalité déformée, les actes les plus inhumains trouvent une justification.
Ils nourrissent aussi un délire de toute-puissance, dans leurs représentations du monde, leurs actes sont salvateurs, ils se présentent comme les héros qui contribuent à l’avènement du nouveau monde, juste et prospère. Aussi, lorsqu’ils passent à l’acte, celui-ci doit être spectaculaire, marquer les esprits…
Les deux ont la certitude absolue d’être dans le camp du Bien, et que le chaos est une étape nécessaire avant l’avènement d’un nouvel âge d’or.
J’aimerais conclure sur ces mots de l’auteur Hamed Abdel-Samad : « Chaque personne mérite la sécurité, la dignité et la compassion. Toute personne qui tue quelqu’un d’autre pour cause de race, de pensée ou de religion est un terroriste. Chaque personne qui est tuée par une autre personne est une défaite pour l’humanité. »
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