Après les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, les autorités politiques et religieuses ont lancé avec insistance des appels pressants au calme et à la dignité. Terrorisées par l’éventualité de réactions incontrôlées elles ont sermonné les Français: ne craignez rien tout est sous contrôle ont bafouillé ceux qui gouvernent et ne maîtrisent plus rien, ne vous inquiétez pas nous avons les mesures qui vont tout régler, a asséné l’opposition. Chez les religieux, les catholiques nous ont dit qu’il fallait pardonner, et les musulmans que ce n’est pas ça l’islam. Les juifs sont restés plus discrets, sachant que dans ce genre d’histoire, à la fin c’est toujours sur eux qu’on tape.
Faut-il avoir peur du peuple ?
Mais faut-il avoir vraiment peur de ce peuple, jusqu’ici étonnamment maître de ses nerfs ?
Il est pourtant confronté au défi d’un islam radical, dont les progrès sont trop visibles, et qui donne la priorité à l’allégeance religieuse, mettant en cause une unité à laquelle les Français tiennent énormément, et les plongeant dans une lourde inquiétude. Qui se transforme en angoisse lorsque le terrorisme islamiste aveugle et barbare, enfant de cet islam radical, plonge le pays dans une succession de tragédies épouvantables. La dimension symbolique des cibles choisies balaye toute velléité de considérer cette guerre, faiblement létale, sous un angle quantitatif. C’est bien notre pays, en ce qu’il est, qui est attaqué et que l’on veut détruire.
Et malgré tout cela, le peuple français n’a pas bougé. Où sont les attaques de mosquées, les attaques à la voiture bélier, les ratonnades dans les quartiers, les émeutes, les voitures brûlées ? Les seules émeutes, les seules voitures brûlées l’ont été à Beaumont sur Oise après la mort d’une personne interpellée par les forces de l’ordre pour ses liens présumés avec la délinquance. Alors certes, il y a eu les deux tags sur les murs d’une mosquée qui ont permis au préfet du Rhône de se déshonorer en les comparant aux exactions nazies contre les juifs dans l’Allemagne de 1934 (!) Le dépôt d’un sachet de lardons dans la boîte aux lettres d’une mosquée qui a permis à la Justice de se livrer à une nouvelle provocation. Après avoir soigneusement relaxé les Femens pour une agression naturiste à Notre-Dame, elle a condamné en comparution immédiate, un charcutier au chômage à six mois avec sursis, le procureur ayant requis de la prison ferme. Il y a eu aussi deux ou trois algarades télévisées opposant des retraités niçois imbéciles trouvant malin d’insulter dans la rue des Français d’origine maghrébine. Cela ne caractérise quand même pas un pays en proie à la guerre civile.
On reste calme
Mais c’est qu’ils sont pénibles ces Français, ils gueulent, braillent, et sont un peu agités -comment ne le seraient-ils pas – mais force est de constater qu’ils restent calmes. Ils sont pénibles, parce que nombreux sont ceux, chez nos belles âmes, qui aimeraient tant qu’ils perdent leur sang-froid. Habituellement on les méprise, les insulte, les ridiculise à longueur de colonnes et d’émissions ces beaufs, ces Dupont-Lajoie, ces racistes, ces fascistes en puissance, voir le pire, ces cathos, et voilà que face à l’horreur ils restent tranquilles. Pénible qu’on vous dit, de quoi avons-nous l’air ? Et pourtant, Patrick Calvar, patron du renseignement intérieur est muni d’un solide culot, avait sonné le tocsin. Lui qui craint moins, ben voyons, le terrorisme « qu’une confrontation entre l’ultradroite et le monde musulman ».
Et puis sans surprise, il y a l’archétype Edwy Plenel, toute honte bue, toute vergogne disparue si tant est qu’il en ait jamais eu, tweetant avec gourmandise le 15 juillet au matin à 8h26, moment où on apprend l’ampleur du massacre de Nice et où photos et films sont encore disponibles sur les réseaux : « terrorisme : la crainte d’une réplique de l’ultradroite». Il n’avait rien d’autre à dire. Mais à son grand dam, l’ami de Tariq Ramadan n’aura pas l’occasion de fulminer contre son fantasme. Non mais c’est vrai, qu’est-ce qu’ils attendent, ces nazis de français, pour enfin déclencher cette guerre que l’on attend, et dont on rêve ? Parmi tous les déçus, y a aussi ces faux intellectuels, tout de suite montés à l’assaut pour nous dire que ces massacres n’étaient pas le fait de terroristes mais de dépressifs. Exigeant la prudence, l’application des règles du procès pénal, et les suites de l’enquête pour se prononcer, sur le caractère islamiste de l’attentat. Les mêmes changeront immédiatement leur fusil d’épaule à propos du mort de Beaumont sur Oise pour proclamer sans barguigner, et sans attendre, que c’était un assassinat perpétré par des gendarmes. Ils ne verront pas non plus la moindre contradiction dans le fait de prétendre que le massacre de Nice n’était pas un attentat islamiste pour ensuite dans le même mouvement reprendre le chantage des salafistes selon lequel la France était attaquée, parce que trop laïque, elle serait méchante avec les musulmans. On n’énumérera pas les réactions assez infectes sur les réseaux, après Saint-Étienne-du-Rouvray, de ces journalistes et élus, pour qui la haine des chrétiens est une seconde nature et prend le pas sur tout et en particulier la décence élémentaire. Mais on notera que ce sang-froid populaire conservé face à l’horreur des attentats, l’est aussi face à toutes ces provocations pourtant insupportables.
Aucune envie de guerre civile
Ah oui mais nous dit-on, vous allez voir ce que vous allez voir, il suffit d’attendre, les Français votent Front national à 30 %, et l’année prochaine ils vont élire Marine Le Pen, ce n’est pas une preuve de leur tropisme fascisant ça ? Eh bien non, au deuxième tour des régionales, trois semaines après le Bataclan gardant leur sang-froid, ils se sont débrouillés pour ne donner aucune présidence de région à ce parti.
Quel serait donc les raisons de cette maîtrise, de ce calme finalement assez étonnant, j’oserai dire assez rassurant, et dont il est possible d’être fier ? L’on risque de me trouver trop optimiste, mais je crois qu’à l’exception d’une petite minorité, les Français n’ont aucune envie de partir en guerre contre leurs compatriotes musulmans. Sans nier aucun des problèmes posés par une immigration incontrôlée depuis une trentaine d’années, par la question des territoires perdus de la République, par la montée d’un islam rigoriste, par l’existence au sein de ces communautés d’un lumpen-prolétariat de plusieurs milliers de personnes susceptibles de basculer dans le djihadisme, ils constatent qu’une forme d’intégration s’est quand même poursuivie et que la majorité d’entre eux se sent résolument française. L’exaspération et la rage qui s’expriment sont beaucoup moins dirigées vers eux que contre les dirigeants et ces élites qui ont laissés pourrir les situations.
Halte là malheureux, c’est du populisme ça ! Nos sachants nous ont pourtant expliqué, que s’ils sont soumis à l’Europe allemande source de l’austérité et du chômage de masse, s’ils suivent servilement les politiques étrangères des USA en menant des guerres absurdes, et en nous exposant, s’ils entretiennent des rapports troubles avec les monarchies médiévales corrompues du golfe, c’est pour notre bien. Eh bien je pense que non, c’est justement ça qui ne marchera plus, un peuple n’est pas l’agglomération des individus et Margaret Thatcher se trompait qui disait : « il n’y a pas de société, il n’y a que des individus ». Un peuple c’est une conscience collective, qui semble vouloir aujourd’hui le retour de la Nation. Pas le retour des nationalismes, comme le prétendent les perroquets et ceux qui à gauche confondent l’inter-nationalisme des travailleurs avec le trans-nationalisme du Capital. C’est l’exigence de la restauration d’un espace historique où la délibération démocratique est possible, et que l’UE et le néolibéralisme ont confisqué. Et ce patriotisme que l’on voit affleurer de façon nouvelle et que souvent nos compatriotes musulmans ne sont pas les derniers à exprimer, joue aussi son rôle dans cette maîtrise que nous décrivons.
Mais il ne faut pas se tromper, une des raisons de ce calme apparent est aussi due à la perspective des élections de 2017. Les Français sont légitimistes et on s’expliquera vraiment l’année prochaine. Il sera demandé des comptes à ceux qui nous ont dirigés, et il n’est pas sûr que ce soit aimablement.
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