Ce qu’on redoutait est arrivé. De l’avis unanime des experts – magistrats, criminologues, officiers de police et de renseignements, les attentats de janvier dernier ainsi que leurs répliques avortées à Villejuif et dans le Thalys ne faisaient qu’annoncer une future vague de terrorisme islamiste dans l’Hexagone. Hélas, les Cassandre avaient raison : la fusillade contre une terrasse de café du Xe arrondissement de Paris, la prise d’otages du Bataclan et les explosions survenues aux abords du Stade de France, en marge du match France-Allemagne, suggèrent une coordination minutieuse des opérations. Cette fois, il semblerait que nous n’ayons plus affaire à des recalés du djihad ne sachant pas manier une kalachnikov mais à des professionnels aguerris à l’efficacité redoutable.
Il y a quelques jours, un haut-gradé nous confiait en privé que la vague djihadiste ne faisait que commencer, malgré les discours iréniques des politiques. D’après cet officier expérimenté nos dirigeants seraient parfaitement informés du risque terroriste et conscients du vivier de loups (pas si solitaires que cela) présents dans notre pays mais endormiraient sciemment la population à coups de grands discours lénifiants sur le vivre-ensemble. On a beau déclarer la guerre au terrorisme, l’assumer et la mener effectivement est une autre paire de manches.
Au-delà du bilan macabre de la soirée – au moins une soixantaine de morts d’après des estimations provisoires – la nouveauté de ces attaques réside dans le choix des cibles. Les assaillants n’ont pas attaqué un journal « blasphémateur » ou un supermarché casher à la clientèle quasi-exclusivement juive mais des lieux fréquentés par la jeunesse branchée de l’Est parisien. Le message que veulent diffuser les terroristes est simple : personne ne doit se considérer à l’abri, l’Occident « impie » devant payer ses fautes collectivement, sans qu’un groupe particulier (juifs, chrétiens, libres penseurs) ne soit spécifiquement visé.
Dix mois après Charlie, François Hollande a enfin prononcé le discours qu’on attendait. Enterrées les formules creuses du type « pas d’amalgame », l’état d’urgence est décrété sur l’ensemble du territoire et les frontières fermées afin de protéger la population – et pas seulement les gouvernants du monde entier censés participer à la Cop 21. La gravité de la situation a, semble-t-il, obligé le Président à sortir de la langue de bois pour enfin appeler un chat un chat et prendre les mesures qui s’imposent. Espérons que ces paroles de vérité ne soient pas qu’un feu de paille. On peut certes regretter que cette prise de conscience tardive se soit produite après des dizaines de morts. Mais mieux vaut tard que jamais.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21821804_000028.
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