« L’horreur de l’inhumanité s’est exprimée et rien d’autre. Ils n’étaient ni musulmans, ni catholiques, ni arabes, ni occidentaux » a déclaré samedi, sur le site de Mediapart, Pierre-Adrien Marciset, dans un article intitulé « Ne laissons pas s’installer l’esprit de guerre ». Vraiment ? Qui nous a attaqués, alors ? Des fantômes ? Non, « la barbarie terroriste » explique de son côté Laurent Joffrin.
Soit, mais d’où vient-elle ? « Des discours politiques de courte vue et de faible hauteur (sur l’islam, notamment, avec ce refoulé colonial de « l’assimilation ») » explique quant à lui Edwy Plenel, avant d’ajouter qu’il faut « défendre notre France, notre France arc-en-ciel, forte de sa diversité et de sa pluralité, cette France capable de faire cause commune dans le refus des amalgames et des boucs émissaires ». Pourquoi pas ? Mais contre qui ? On ne le saura pas.
Il est sidérant de constater à quel point, près d’un an après les attentats de janvier, les réactions sont toujours les mêmes. D’un côté ceux qui accusent les étrangers, les musulmans dans leur ensemble, et de l’autre ceux qui refusent de nommer l’ennemi, au prix de circonvolutions parfois grotesques.
C’est ainsi que le même Pierre-Adrien Marciset assène : « Si vous avez applaudi aux discours islamophobes, encourageant l’ostracisation des musulmans sans distinction des individus, vous êtes coupable. » Certes, ostraciser les musulmans est répréhensible, mais les terroristes auraient donc été uniquement encouragés par une prétendue « islamophobie » française ?
Puis ce même individu d’expliquer : « Ce qui nous a frappé hier n’arrive pas de nulle part : nous l’avons invité dans notre monde. Notre pays est une république imbue d’elle-même, saturée de son bon droit à tout exercer, brutale et insolente qui roule politiquement sur l’exacerbation des différences, la France est un pays de guerre civile sans armes à feux, de clivages, de haines et de division. » Intéressant de constater que les mêmes qui accusent les autres de déclinisme sont souvent les plus grands pourfendeurs de la France.
« Protégeons les musulmans de France comme nous n’avons pas su protéger les juifs de france, jadis » conclut-il. Certes, les musulmans de France ne sont pas moins français que les autres et il faut les protéger. Mais le parallèle avec les juifs avant la seconde guerre mondiale, outre qu’il semble hautement contestable, ne nous renseigne toujours pas sur l’identité de notre ennemi.
Comment faire bloc contre l’ennemi, si celui-ci n’est pas le même pour chacun d’entre nous ? Si certains continuent à penser, pendant que des civils se font abattre par dizaines par des islamistes, que l’ennemi numéro 1 c’est l’islamophobie. A ce rythme, on va de nouveau essayer de nous faire croire, comme lors des manifestations du 11 janvier, que nous marchons contre le front national. Le FN est évidemment un danger, mais ne faisons pas croire qu’il s’agit actuellement du danger numéro 1. Il faut au moins être un disciple d’Edwy Plenel pour pratiquer un tel déni de réel.
Non, tout cela n’aurait rien à voir avec la religion, paraît-il, car la majorité des musulmans seraient modérés. Certes, c’est heureux, mais en quoi cet argument permettrait-il d’enlever la dimension religieuse au problème ? Depuis quand la religion n’aurait rien à voir avec la politique ? Qui oserait prétendre que l’Inquisition n’aurait rien à voir avec le catholicisme ? Hélas, les journalistes continuent de confondre foi et religion.
Oui, les terroristes sont des fanatiques, mais qui agissent bien au nom de la religion. Oui, l’interprétation que font les islamistes du Coran est littérale, archaïque et inhumaine, mais elle n’est pas un fait totalement isolé. Non, l’islam qu’ils prônent n’est pas l’islam authentique mais il existe bel et bien cet islam capable de tuer les gens soupçonnés d’apostasie, de lapider les femmes adultères voire les femmes violées. Celui qui autorise à tuer les mécréants, dans la foule venue assister à un concert soi-disant idolâtre comme dans celle entassée à la terrasse des cafés parisiens. Celui qui met en place la charia la plus rigoriste en Arabie Saoudite, au Yemen, en Indonésie ou au Pakistan.
Cela a au contraire beaucoup à voir avec la religion. Les terroristes font ce qu’ont fait beaucoup d’autres avant eux : ils utilisent les croyances de toute une frange de la population pour légitimer leurs actes et pour asseoir leur pouvoir. Ils utilisent d’ailleurs le fait qu’on n’ose pas trop critiquer la religion en question pour obtenir notre silence.
Notre ennemi a donc un nom : l’islamisme. Et il y a des valeurs à lui opposer, notamment l’humanisme, les Lumières, l’école républicaine. Tout comme la laïcité et le courage de l’appliquer. La liberté en fait aussi partie. Mais pas une liberté qui ne servirait aux uns qu’à assouvir leurs pulsions consommatrices et aux autres à les regarder faire. On ne fait pas la guerre pour garder son smartphone intact.
Pour faire la guerre, il faut être mu par des aspirations qui nous dépassent : la patrie, notre patrimoine culturel, la laïcité sont de celles-là. Et même si certains voudraient nous faire croire que ce sont de vilains mots, la vitesse à laquelle les drapeaux bleu-blanc-rouge se sont répandus sur la toile montre qu’il est bien difficile de renier totalement son sentiment d’appartenance à une nation. Et ce, bien que l’Europe et la globalisation tentent depuis de nombreuses années de le dissoudre dans l’expression « citoyen du monde », qui fait sans doute se retourner Montesquieu dans sa tombe.
N’en déplaise à Edwy Plenel, « la pluralité et la diversité de notre France », cette « société de libertés individuelles et de droits collectifs » comme il le dit si bien, ne suffira pas à faire la guerre à l’islamisme. Nous pensons au contraire, avec Boualem Sansal, que seule la France laïque peut combattre l’islamisme.
Tant qu’on ne nommera pas notre ennemi, tant qu’on répondra à sa cruauté par le silence, nous ne le vaincrons pas. Tant que nous nous tairons, tant que ceux qui oseront parler ne feront que critiquer l’islam dans son ensemble ou dire que la religion n’a rien à voir avec tout ça, deux camps continueront à s’opposer, deux camps qui se trompent de combat.
*Photo : SIPA.00729157_000011.
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