Comme Chantal Delsol, je me pose cette question sans réponse : comment se fait-il qu’en 1969 la grippe de Hong-Kong (plus d’un million de morts dans le monde et plus de trente mille en France) soit passée inaperçue – juste quelques entrefilets dans la presse – alors qu’elle saturait les hôpitaux et remplissait les morgues ? Peut-être avait-on alors des idéaux (religieux, politiques, esthétiques…) et que le reste paraissait secondaire ? Peut-être que l’effet, somme toute mineur, du Covid-19 qui décime essentiellement à l’échelle planétaire des personnes âgées et souffrant déjà de co-morbidités, est-il lié à l’ère numérique et à une focalisation médiatique : tout se passe trop vite, comme dans un film catastrophe, ce qui engendre une forme de panique plus léthale encore que le virus et impossible à gérer rationnellement ? Peut-être n’a-t-on plus foi qu’en une vie nue, strictement biologique, qui éclipserait toute raison de vivre ? Peut-être sommes-nous devenus vieux et lâches, incapables de regarder la mort en face ?
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Ce qui expliquerait aussi pourquoi nous adoptons face à un islam conquérant l’attitude de vieilles femmes apeurées se réfugiant dans le « pas d’amalgame » et le « surtout pas de vague ». Et que nous supplions les gouvernants de nous soumettre à des confinements de plus en plus sévères. Nous avons voulu éliminer le tragique de nos existences et le voici de retour avec deux cauchemars, le Covid-19 et l’islam radical, que nous plaisons à amplifier comme si le dernier spectacle que nous attendons, calfeutrés devant nos écrans, est celui de la fin de notre civilisation. Peut-être d’ailleurs ne méritons-nous pas mieux : celui qui veut sauver sa peau à tout prix, est sûr de la perdre. Celui qui dépose les armes face à son adversaire appelle inconsciemment de ses vœux une servitude, physique ou spirituelle, celle-là même qui se déroule sous nos yeux comme une lente et inexorable agonie. L’apocalypse aurait pu être joyeuse : elle est sinistre.
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