132 morts et 99 blessés en urgence absolue. Autant dire que le décompte morbide post-attentats n’est pas terminé. Au-delà du choc et de l’émotion immense qui submerge tout un chacun, il convient de prendre la mesure de la situation.
La France est en guerre. De nombreux commentateurs semblent le découvrir, ahuris par la violence des attaques de vendredi soir. Ce n’est pourtant pas nouveau. Merah, Nemmouche, Kouachi, Coulibaly, Salhi à Saint-Quentin-Fallavier, Sid Ahmed Glam à Villejuif, El Khazzani dans le Thalys, la menace terroriste est de plus en plus prégnante en France et ce n’est pas parce qu’on ferme les yeux que le danger disparaît.
Vendredi, les terroristes ont frappé plus fort encore, de façon coordonnée et avec un nouveau mode d’action sur le sol français : l’attentat suicide. Des rescapés ont entendu les terroristes justifier leurs actes par l’intervention de la France en Syrie. Le lendemain matin, les islamo-fascistes de Daesh ont revendiqué les attentats. Ça a le mérite d’être clair. Exit les loups solitaires et autres déséquilibrés chers aux idiots utiles de l’islamisme radical. Fini cette jeunesse perdue, sans horizon, exclue et humiliée. Quand on exécute de sang-froid plusieurs dizaines de « mécréants » puis qu’on se fait exploser dans l’objectif de trouver « la mort dans le sentier d’Allah » et 70 vierges au paradis, ce n’est pas par dépit ou à cause du chômage. Et ce n’est pas non plus une surprise.
Cela fait plus de vingt ans que les salafistes se sont installés dans ces banlieues que la police a désertées petit à petit, qu’on les a laissé faire pour acheter la paix sociale dans les « quartiers », qu’on ferme les yeux sur leurs prêches de haine et qu’on ignore volontairement la réalité de peur de se faire taxer d’islamophobe. Cela fait deux ans et demi que l’EI viole, égorge, décapite, crucifie, esclavagise en Irak et en Syrie à grand renfort, entre autres, de citoyens français subjugués par cette violence, en bénéficiant du cynisme turc et de la veulerie occidentale.
La constitution d’une coalition aérienne anti-EI en septembre 2014 allait permettre de soulager les Kurdes mais ne suffirait pas à gagner cette guerre. On le savait. Mais ce n’était pas l’objectif. Le manque de courage politique des dirigeants occidentaux, le manque d’anticipation, la lâcheté de croire qu’en regardant ailleurs, nos ennemis feraient de même, tous ces facteurs ont fragilisé et décrédibilisé les démocraties occidentales. Ce syndrome munichois qui rattrape toujours les faibles.
Pris par l’émotion de ces attaques ignobles, François Hollande a immédiatement déclaré que des mesures de sûreté exceptionnelles seraient prises. L’état d’urgence décrété sur l’ensemble du territoire, le contrôle rétabli aux frontières, les contrôles d’identité étendus, la possibilité d’un couvre-feu, l’interdiction de toute manifestation publique, le déploiement de l’armée dans Paris, tout cela est très bien. C’est d’autant mieux qu’un des terroristes de vendredi soir serait passé par la Grèce le 3 octobre dernier parmi les nombreux réfugiés qui tentent, eux, de survivre.
Sauf que.
Sauf que les forces de police et les renforts de l’armée sont déjà placés sous « Vigipirate Alerte Attentats » depuis janvier 2015, qu’ils sont en sous-effectif constant en raison des coupes initiées de façon incompréhensible en 2007 et continuées en 2012, et qu’à force de sollicitations de cette intensité et sur une telle durée, les forces de sécurité sont exsangues.
Sauf qu’augmenter plus encore les mesures de sécurité en France ne tarira pas la source de ces attaques terroristes. La solution est bien sûr connue de nos dirigeants : c’est au sol, en Syrie et en Irak, qu’il faut intervenir. L’utilisation des drones et des avions de chasse, si elle est utile, n’est pas suffisante. La stratégie militaire doit être modifiée en profondeur et la politique du « no boots on the ground » doit être abandonnée. Ce n’est que par une victoire sur le terrain que nous aurons une chance de mettre un terme à ce flot de terreur. Cela nécessite du courage, ce qui n’est jamais une évidence surtout en période électorale.
Sauf qu’il ne s’agit pas seulement de multiplier les patrouilles de militaires dans les rues de Paris mais aussi de remettre le renseignement humain au centre de la stratégie antiterroriste. Le travail difficile accompli par la SDAT et la DGSI doit être renforcé par un recrutement significatif et par une infiltration physique de ces réseaux djihadistes. Les écoutes téléphoniques et la lecture des mails ne suffisent pas. C’est un travail sur le temps long préconisé depuis plusieurs années déjà, notamment par Marc Trevidic, juge antiterroriste pendant dix ans. C’est un travail désormais indispensable suite à l’abandon catastrophique de ces méthodes comme le reconnaissent les professionnels du renseignement.
Les chantiers sont très importants et nous n’en sommes malheureusement qu’au début.
La France est en guerre. Elle n’est pas seule. Cette peste verte et brune frappe partout où les valeurs ne sont pas les siennes. La liberté et la laïcité lui font horreur. La musique, la mixité homme-femme sont interdites. Les cultures différentes n’existent pas. Les impies n’ont pas le droit de vivre.
Il serait temps de comprendre que toutes les démocraties occidentales – et celle du Moyen-Orient – ont les mêmes valeurs et assez logiquement le même ennemi : l’islamisme radical (mais en existe-t-il un autre ?) qu’il soit sunnite ou chiite. Qu’importe les noms qu’ils se donnent – Daech, Al-Qaïda, le Djihad Islamique – qu’ils se trouvent au Pakistan, en Syrie ou à Gaza, ces extrémistes ont le même objectif : imposer la Charia à l’échelle planétaire. Croire que les islamistes abandonneront ce projet est une erreur grossière aux conséquences tragiques que la France commence à comprendre dans la douleur et la peine.
La France est en guerre parce que ses ennemis la lui ont déclarée. Celle-ci ne se terminera que par la victoire d’une des deux parties. Mais désormais, cette guerre se joue à domicile. Les renoncements et les arrangements ne seront considérés par nos ennemis que pour ce qu’ils sont : lâcheté et faiblesse. Passé la douleur et l’émotion, il faudra surtout éviter de retomber dans la torpeur et l’aveuglement comme après janvier dernier. Le Premier ministre a déclaré qu’il allait combattre cet ennemi pour le détruire. Enfin !
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00730879_000001.
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