Le triomphe du doute


Le triomphe du doute
L'aéroport de Zaventem, en Belgique, après les attentats du 22 mars (Photo : SIPA/00748199_000073)
L'aéroport de Zaventem, en Belgique, après les attentats du 22 mars (Photo : SIPA/00748199_000073)

Pour trouver la porte d’entrée de la Théorie du kamikaze, le dernier essai publié par Laurent de Sutter, il faut intégrer le paradoxe suivant : il n’y a de réel que de la destruction.

Poursuivant la figure du « kamikaze », littéralement, en japonais, le « vent de dieu », revenu en vogue ces derniers mois lors des attentats terroristes de novembre, Laurent de Sutter attire notre attention sur l’hypothèse suivante : l’attentat-suicide relève – quasi exclusivement – du registre esthétique. L’acte terroriste, et surtout l’explosion sonore et visuelle qui s’ensuivent, sont en effet une représentation excitante (au sens physique des particules) et sidérante (au sens étymologique de « l’aveuglement par les étoiles ») de la destruction du monde matériel construit par les hommes.

Les événements du 11 septembre 2001, par conséquent, constituent une victoire de l’in-humain, conçu doublement comme un stade d’horreur difficilement soutenable et comme une forme de transcendance, celle du « feu » venu du ciel et envoyé par les dieux, sur l’humain.

Dès lors, plus question de qualifier les terroristes de « nihilistes », nous l’avons compris : ce terme galvaudé par les médias dit le contraire de ce qu’ils sont. En allant chercher, provoquer Dieu sur son terrain, les terroristes le font advenir en même temps qu’ils se placent en concurrence avec lui dans le maniement du feu destructeur. Ils signeraient ainsi le triomphe du sceptique (qui ne croit que ce qu’il voit, et a besoin de voir le dieu qu’il prie) sur le croyant, qui croit parce qu’il ne voit pas.

Cela conduit à une distorsion du réel. En voulant atteindre le statut divin – et s’assurer du même coup de son existence – le terroriste inspiré par l’idéologique islamiste en l’occurrence creuse un trou irréparable dans le réel qui le sépare du reste de l’humanité. Ni dieu, ni homme, il se fait pur vecteur de représentation, il n’est plus qu’un être esthétique au service d’une mise en scène dont il n’aura pas le loisir de profiter.

Théorie du kamikaze, de Laurent de Sutter, PUF, 2016.

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étudie la sophistique de Protagoras à Heidegger. Elle a publié début 2015 un récit chez L'Editeur, Une Liaison dangereuse.

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