Terrorisme islamiste: Hervé Cornara, le soldat inconnu


Terrorisme islamiste: Hervé Cornara, le soldat inconnu

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D’Hervé Cornara, il ne restera peut-être que la symbolique de décapitation. La première en France. Pour l’âme, le meurtre, la victime, repassez demain. Pour les douleurs, l’émotion, le choc, prière d’aller vers sa famille et les quelque 200 âmes de sa bourgade qui l’ont pleuré. Dans la logistique du deuil cette fois, l’Etat a fait dans le minimalisme : marches, cierges, bougies, trop coûteux en retombées, mémoire du 11 janvier oblige. Le peuple a suivi. Peu d’affiches. De spontanéité. Sidération à peine audible. Le flux médiatique tendu, ses scénarios changeants, ont ruiné l’espoir d’une communion et d’un hommage. De plus, Charlie, vous savez, ça fatigue. Et puis les flots de sang, les amas de têtes fraîchement tranchées qui peuplent les recoins, ça connaît le monde : c’est son décor. Alors à quoi bon s’émouvoir pour un mort, un seul,  quand le terrorisme pêche lui des tonnes dans les grandes eaux ? Hervé Cornara inaugure un nouveau genre, un nouveau martyre à vocation potentiellement paradigmatique : l’indifférence sur fond de déchirures. Après le relativisme, voire l’atténuation de la responsabilité des bourreaux, un pas de plus vers la culpabilisation des victimes peut-être pour vérifier qu’ils sont bien morts ?

L’histoire est une garce. Elle aime hoqueter, ré-arpenter les mêmes sillons. Hervé Cornara meurt donc dans le sillage de Charb et des autres. Souvenir : à peine le duo Kouachi s’évanouissait dans la nature, ivre de sang et repu de vengeance, que l’Islamophobie prenait, avec un aplomb irréel, la place de Cabu à la morgue. Elle devenait ainsi la victime, le problème. Le vrai. Celui de la France. De livres en débats, en passant par des campagnes rigoureusement menées, le postulat a aggloméré une insoupçonnable France dont les ressources contestataires et les relais en termes d’influence, ont été d’une redoutable efficacité. Des cendres de la marche du 11 janvier, il ne devait rester que l’islamophobie de Charlie et des fantômes catholiques, l’épouvantable laïcisme, l’amalgame, tout compte fait, raciste. Le salafisme, l’Etat islamique, le terrorisme dans le monde, la montée de l’intégrisme qui rogne la laïcité sur l’autel du differentialisme identitaire ? Une vue de l’esprit, un fantasme réactionnaire. Aucun lien avec l’islam. L’habile anesthésie des responsabilités a œuvré ! Des bourreaux donc, il ne faut retenir que des profils du ratage social français. Aussi la frustration d’une jeunesse oubliée par un Etat providence « ghettoïseur » aux relents colonialistes malodorants. A renfort de scientificité sociologique – infaillible – la leçon est sue, digérée. A la prochaine victime, au suivant

Ce devait donc être ce pauvre patron. Inconnu et victime au début de l’enquête, il a cessé de l’être une fois son identité de patron du bourreau révélée. Les journalistes experts du djihad, vizirs de Twitter, ont dès lors, forts de leurs sources solides, sommé de changer la lecture de l’affaire en dégageant l’EI du périmètre des possibles commanditaires. Exit terrorisme, entre ici différend avec patron. Les inscriptions, la profession de foi au cœur des drapeaux qui ornait la mise en scène de la tête coupée : des caprices d’une démence potentielle. Le scénario prémâché sera régurgité par le suspect lui-même quand il daignera ouvrir la bouche. « Je voulais maquiller mon acte » lâchera-t-il. Fragile émotionnellement, en conflit avec femme et patron, il a ciblé un site sous protection (Seveso), précipité sa voiture sur des bouteilles de gaz, préalablement tué son patron ; remontons encore : un passé salafiste, des fréquentations douteuses dans la mouvance intégriste. Que dit l’adage, « les fous ça ose tout et c’est… » Sauf qu’il n’était pas fou Goebbels, qui disait «  plus le mensonge est gros, plus ça passe ! » Mais que Nenni, l’acte déséquilibré refait surface, il a ses propagateurs ; mouture nouvelle dans la bouche de Claude Askolovitch : mariage entre folie et radicalisme islamiste. Pour info, L’EI ce sont donc 50 000 dégénérés mais qui tiennent un Etat, infligent des pertes, gouvernent et séduisent, mais ce sont des dégénérés… Allons ! L’enjeu de toutes ces démonstrations est évident : Il faut éloigner l’islam, le laver comme un enfant, de tout soupçons. La devise est connue. En quinze jour, on a milité pour la nature terroriste de la tuerie de Dylan Roof et pointé les mystères de Yassin Salhi. Il faut pouvoir suivre…

Quand bien même le procureur de Paris a remis un peu d’ordre dans cette abjecte foire aux hypothèses en retenant le caractère terroriste, solidement enraciné dans les preuves irréfutables qui commencent à être ébruitées, Hervé Cornara n’en retrouve pas pourtant son statut d’entière victime. Il aura été, un temps, le patron qui a crié sur son employé causant son courroux. Ça suffit à sa peine. Disparu des radars, trop peu nombreux pour être pleuré, mort à l’ombre et décapité, un temps confondu avec le supposé compagnon d’équipée du tueur, il ne jouit que de ce macabre privilège d’être le premier décapité hexagonal. Inconnu vivant, inconnu mort. Une tête. Pas d’âme. Pas l’histoire d’un père de famille sordidement assassiné. De Yassin Salhi, on saura tout, d’Hervé Cornara rien : la tête mais pas le symbole de la victime d’un terrorisme qui élit domicile en France. Une gerbe sans doute plus tard sur la flamme du soldat inconnu…

Le terrorisme ne se combat pas militairement mais idéologiquement, politiquement et socialement. Il faut sans doute d’autres morts, décapités, pour hâter la prise de conscience.

*Photo : William Abenhaim/SIPA. 00716931_000004.



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